La crise sanitaire était bien entendu au centre des échanges entre Catherine Barbezieux, directrice du CHM, entourée du docteur Christophe Caralp, Chef de Pôle URSEC (Urgences, Réanimation, SAMU, Evacuations sanitaires, Caisson hyperbare), et du docteur Hervé Apère, vice-président de la CME, en présence d’Issa Issa Abdou, président du conseil de surveillance, et les médias.
L’urgence, c’est actuellement de désengorger l’hôpital déjà en tension en temps normal, notamment par une forte épidémie de dengue. Les cas de Covid sont moins graves qu’en métropole, en raison de la jeunesse de la population, mais fragilisés par les comorbidités, diabète, hypertension, obésité. Les évasans vers La Réunion épaulent habituellement le CHM, mais l’arrêt des lignes commerciales a imposé de se doter momentanément d’un avion sanitaire. L’Embraer-145 de la compagnie Regourd Aviation a déjà effectué 4 rotations avec 18 patients, et avec un aller-retour dans la journée.
Son action est complétée par l’hélicoptère sanitaire, loué pendant la période de crise, déjà sollicité sur 23 interventions depuis le 14 mai. « Il relie les 4 Centre Médicaux de Référence au CHM en 57 minutes au lieu des 2h30 nécessaires par ambulance », précise le docteur Christophe Caralp. Un atout qui a certainement sauvé la vie d’un homme victime d’un infarctus à Kani Keli, acheminé aux Urgences en 12 minutes. La pérennisation de ces moyens aériens dépend de la capacité à cofinancer un appel de fonds européens. C’est dans les mains de l’ARS Aquitaine qui supervise ce dossier.
Pour apaiser des tensions qui pourraient survenir en réanimation, « si la crise du Covid explosait », met en garde Christophe Caralp, le Service de Santé des Armées installe actuellement ses 10 lits importés de Mulhouse, avec un effectif d’une quarantaine de personnel médical militaire. Ils seront dédiés aux soins intensifs, « entubés, sédatés, ou victimes d’insuffisance respiratoire », en pourront ensuite basculer sur le service de réanimation habituel. L’occasion de faire le point sur le nombre de lits en réanimation, « nous avons 32 lits opérationnels dont 22 sont occupés actuellement », indique Catherine Barbezieux.
Chute des demandes de tests la semaine dernière
Sur ce qui anime le quotidien de l’île, le dépistage, Catherine Barbezieux revient sur sa capacité de 200 tests actuels, « nous en faisons 130, et on nous a demandé de pousser jusqu’à 500. » Les demandes de tests ont fortement décru avec l’Aïd, « seulement 8 par jour environ, contre une trentaine habituellement en appels au 15. Ça remonte doucement », constate Christophe Caralp. Les pannes informatiques n’ont pas impacté le fonctionnement, souligne Catherine Barbezieux. Quant aux équipes mobiles de prélèvements à domicile qui avaient été suspendues, « il y avait trop peu de demandes. Mais aussi, certaines ont été menacées et stigmatisées. » Elles vont être renforcées et remise en route.
Dans cette période de crise, l’arrivée de renfort, armée ou en réserve sanitaire, nous amène à évoquer l’après crise, et la pénurie de personnel liée au manque d’attractivité de l’île, de nouveau constatée par la Chambre régionale des comptes dans son rapport sur la période 2015-2019. Et là, c’est une bonne nouvelle qui nous est livrée, les candidatures affluent !
Sur place tout d’abord, « avec une hausse très conséquente des demandes de titularisation de praticiens hospitaliers, une vingtaine, rapporte Catherine Barbezieux, en 2016, le ratio entrées-départs était négatif, mais désormais, ceux qui sont entrés au CHM après avoir passé leur concours, veulent y rester. » D’autant plus réjouissant que cela va « rafraichir » la pyramide des âges du CHM, « les chefs de pôle ont un âge avancé », soulignait la CRC. Cette dernière avait déploré que la majoration de salaires de 40% des contractuels qu’elle considère comme illégale, ne soit pas suffisante pour les fidéliser, en espérant néanmoins que la mise en place de l’Indemnité Particulière d’Exercice (IPE, égale à huit mois de salaire) sous condition de s’engager sur deux ans, et non plus quatre, porte ses fruits.
« Miser sur la fidélisation »
C’est le cas, annonce Catherine Barbezieux, « nous recevons beaucoup de candidatures, dont un praticien belge, de professionnels qui sont également intéressés par le projet médical de l’établissement, c’est le cas d’un ex-chef de clinique de CHU. » Désormais, dans certains secteurs comme la pédiatrie, c’est un choix de candidature qui s’offre aux dirigeants, « il y a 3 ans, on avait une visibilité à 2 mois pas plus, au services des urgences. Ce n’est plus le cas. Par ailleurs, nos points de fragilité sont désormais les mêmes qu’en métropole, en anesthésistes, ophtalmologistes, gynécologue, psychiatres ». La sur-rémunération des contractuels, la directrice du CHM ne veut pas y toucher, en la plaçant dans un cadre qui pourrait la légaliser.
Un peu d’oxygène donc en ressources de soignants, qui permet de lancer un vaste plan de formation pour ceux qui avaient été plus ou moins laissés de côté, le personnel administratif et technique. Avec 1,2 million d’euros obtenus de l’Agence de formation hospitalière sur 3 ans, ce sont 300 personnes, essentiellement des catégories C, qui vont pouvoir « bénéficier de remises à niveau », ou de bénéficier de promotions professionnelles que la directrice a constamment valorisées, « notamment les cadres locaux que j’ai promus ces dernières années. Outre l’attractivité, j’ai voulu miser sur la fidélisation ».
L’activité croissante du CHM l’oblige à pousser ses murs, et à s’attaquer au projet de reconstruction de l’hôpital existant sur le même site, tout en menant à bien le projet de 2ème hôpital annoncé par Emmanuel Macron, qui reçoit des avis mitigés au sein même de la maison. « Le CHM et l’ARS travaillent pour rendre le comité de pilotage opérationnel. » Quant à l’Arlésienne structure de suite de soin de Petite Terre, dont Manuel Valls avait posé la 1ère pierre en 2015, la défaillance d’un des lots à prolongé encore les délais, « nous passions l’appel d’offre quand la crise Covid est arrivée ». La date du 1er novembre 2020 est à noter, mais pas encore en rouge sur l’agenda.
Issa Abdou considère que le rapport de la Chambre des Comptes et ses six recommandations, « délivre un satisfecit, mais il y a encore des choses à améliorer ».
Anne Perzo-Lafond