Difficile de dire que nous sommes dans une phase de répit depuis plusieurs jours, mais ça se dessine quand même. Dominique Voynet dresse en 3 données la physionomie de la crise actuelle : « Nous avons 2.000 cas, c’est beaucoup, mais les trois-quarts sont guéris et 80% des cas sont asymptomatiques, ou présentent des signes cliniques faibles. » Les hospitalisations sont sur une « allure de diminution », notamment en raison des évasan, « 20 depuis un mois », mais la tendance est de toute façon « baissière en médecine ».
La directrice de l’ARS Mayotte tenait une conférence de presse au siège du centre Kinga, déconfinement oblige. Elle s’expliquait notamment sur le ton alarmiste tenu mi-mai : « Lorsque on commençait à vouloir alléger les contraintes le 11 mai, le taux de positivité était de 40%. Depuis il a chuté ». Par la suite, l’ARS continuait à évoquer un pic, pour le 20 mai, puis fin mai, puis début juin. Mais il n’est plus d’actualité : « Nous avons craint les répercussions de l’affluence lors de l’Aïd rue du Commerce et à Majicavo Dubaï, mais pas du tout, il n’y a pas davantage de cas. »
Excepté le foyer du centre pénitentiaire, les nouvelles n’étaient pas mauvaises. « Sans sous-estimer la gravité du Covid et de son rôle de facteur aggravant, les décès sont à 80% liés à d’autres maladies, le diabète, obésité et l’hypertension, et 20% à de la dénutrition avancée. Et avec 34 personnes passées par la Réanimation depuis le début de l’épidémie, rapportés aux 1.990 malades, nous sommes nettement en dessous des seuils métropolitains. »
Un 2ème foyer au centre de dialyse
Quant au Centre pénitentiaire de Majicavo, ce sont 187 cas positifs qui sont enregistrés le 2 juin, « mais tous les résultats des 371 prélèvements ne sont pas encore tombés ». Sans compter qu’il peut y avoir des « faux négatifs ». « La moitié des personnes testées, prisonniers ou surveillants, étaient positives, c’est arrivé en métropole il y a un mois. » Asymptomatiques à 80% comme nous l’avions rapporté, « il n’y a aucune hospitalisation à ce jour. » L’âge moyen de 22 ans des détenus l’explique.
Un autre foyer est sous observation, celui du centre de dialyse Maydia. « Nous avons commencé à tester par hasard, sur des personnes qui allaient être évasanées, et nous avons eu 30% de positivité sur les premiers tests ». Il y a 180 dialysés à Mayotte.
Des clusters qui vont faire plonger l’un des 4 indicateurs étudiés au niveau national, l’incidence de la maladie (nombre de personnes infectées sur une semaine sur 100.000 habitants), puisque le taux de positivité devrait exploser avec les cas de la prison, « il faut le voir comme une déformation de la tendance générale ». Le R0 qui indique le nombre de personnes contaminées par 1 malade, était de 3 au début de l’épidémie, « il est inférieur à 1 ». En matière de capacité hospitalière, elles ont été allégées par les évasans, mais comme le reste de l’année. C’est plutôt la capacité de notre hôpital à gérer le quotidien hors Covid qui est en cause. Enfin, sur les tests, si le laboratoire privé a manqué de réactifs pendant 10 jours, le laboratoire de l’hôpital a continué à fonctionner, avec les bémols que l’on connaît : « moins d’arrivées aux urgences en période d’Aïd, moins de dépistage avec des cabinets de libéraux fermés pendant les longs week-end et suspension des équipes mobiles de prélèvement de l’hôpital qui vont être renforcées ».
Effondrement des cas de dengue
Mais pour autant, moins tester n’est pas synonyme de baisse de taux de positivité, rapporte Dominique Voynet, « quand on a peu de test à pratiquer, on le fait sur des personnes sur lesquelles on est quasiment certains qu’elles sont porteuses de la maladie. »
La rémission actuellement constatée de l’épidémie, « on la doit à la jeunesse de la population », selon Dominique Voynet. Pour autant, la courbe est plate aux Antilles alors que la population est âgée.
Les tests sérologiques sont arrivés, ils permettent de savoir si une personne a été en contact avec le virus, et donc de connaître le taux de contagion d’une population.
Il n’y a pas que le Covid à Mayotte. Bonne nouvelle, la « plus forte épidémie de dengue jamais observée à Mayotte », voit un effondrement du nombre de cas, du nombre d’hospitalisations et des prescriptions de tests. Un résultat obtenu par la fin de la saison des pluies, « mais aussi à l’implication H24 de nos équipes de Lutte Anti Vectorielle ». Un résultat qui aura mis du temps à être obtenu. L’ARS attend que les communes et le SIDEVAM prennent le relais pour éradiquer les déchets qui servent de gîtes larvaires.
Le paludisme montre encore le bout de son nez, avec pour l’instant 25 cas. La typhoïde, « maladie du mal-développement, de la pauvreté et de l’hygiène », sévit encore, mais peu de cas sont enregistrés cette année. Il n’y a plus de Fièvre de la Vallée du Rift, quasiment pas de leptospirose, et quelques cas de tuberculoses.
Nous ne sommes pas encore sortis du Covid, mais ces données devraient nous faire passer d’une période de peur à celle de la prudence.
Anne Perzo-Lafond