Il fut un temps où la Fragans Planifolia valait à Mayotte de monter sur les 3 marches du podium au Concours général agricole du Salon de l’Agriculture de Paris. Cette année 2009, la Chambre d’agriculture (CAPAM) menée par Dani Salim épaulait les producteurs de vanille. Depuis, si la production s’est poursuivie dans les campagnes, la filière a perdu le peu de structuration qu’elle avait acquise. Mais en ce début 2020, lorsque ont été publiés les résultats du Concours général au Salon de l’Agriculture de Paris, avec la 2ème place à fundi Madi, producteur à Tsingoni, on s’est remis à y croire.
Un premier succès pour l’Association Senteurs et Saveurs de Mayotte (ASSM) qui porte ce projet de relance de la filière depuis 3 ans. Elle avait convié ce jeudi matin les élus du Département au milieu des pieds de vanille de l’exploitation de Sabiti Mohamadi à Dzoumogne, pour solliciter leur relais sur plusieurs points. La coordonnatrice Julie Moutet, ingénieure agronome, expliquait à Bourhane Allaoui, le conseiller de Koungou, le projet né avec la mise en place de la programmation européenne 2018-2020.
« Nous avons travaillé avec les producteurs pour organiser la transformation de la vanille. Ils sont 17 à avoir contractualisé avec nous, la grande majorité nous vendent la totalité de la récolte, que nous payons à la livraison. » De quoi redonner confiance aux producteurs qui ont vu passer depuis 10 ans de nombreuses tentatives de coopératives, avec des productions qui sont parties dans des circuits obscurs, et dont ils n’ont pas vu le moindre euro. Le prix fixé au départ à 30 euros le kilo a grimpé à 50 euros.
Ce sont ainsi 180 kilos qui ont été récoltés, « nous visions 500 kilos, mais la crise du Covid a bloqué tous les échanges », rapporte Julie Moutet à son auditoire. C’est qu’il faut aussi aller chercher les dizaines de producteurs qui sont dans la nature, ils seraient 80 au total sur l’île.
L’Excellence visée par la vanille
Première récompense, les 17 producteurs passent en certification Bio, avec une traçabilité établie.
Mais derrière la façade, les porteurs du projet rament. La transformation se fait de manière artisanale à Sada, « je fais sécher la vanille sur la terrasse de mon voisin », lâche Julie Moutet. Elle travaille sur la mise en place d’un container avec claies de séchage, qu’elle souhaite positionner au Pôle d’Excellence Rurale (PER) de Coconi, « et nous voudrions en profiter pour créer sur ce lieu, la Maison de la vanille. »
Voulu par le conseil départemental, le bâtiment du Pôle d’excellence rurale n’a toujours pas été inauguré… faute d’occupant. Un appel à projet pour son exploitation a été lancé en mars dernier, sur une activité de distillation de plantes aromatiques à parfum et médicinales. L’un n’empêche pas l’autre semble-t-il, et il pourrait tout aussi bien héberger un projet opérationnel qui peut faire vivre de nombreux agriculteurs, plutôt que de garder des locaux vides.
Il permettra aussi de proposer de la vanille sur le site, puisque actuellement les points de vente sur Mayotte sont encore rares, au lycée agricole, au comité de tourisme de Mamoudzou mais aussi à la 3CO partenaire de ce projet, « nous réfléchissons à positionne le produit à l’aéroport. » C’est en effet un débouché assuré. Petite anecdote, la précédente promotion de gendarmes mobiles ont été de bons clients ! Le Salon de l’Agriculture a aussi permis d’assurer une partie de la vente.
Une cagnotte pour réserver ses gousses
Une cagnotte est également en cours sur le net, qui assure une trésorerie en attendant que soit versés les subventions européennes, « et cela permet aux particuliers de réserver leur vanille, et pouvoir bientôt recruter un conseiller agricole qui suivra les producteurs individuellement ».
Médaillé d’argent au Concours général agricole 2020, Ahamada Mohamadi, plus connu comme Foundi Madi, est présent sur la parcelle de son confrère, où s’alignent environ 2.000 lianes de vanille, en rangs serrés. « Je ne peux pas cacher mon émotion de voir une telle exploitation, regardez la taille et la puissance de ses gousses ! ». Nous sommes en pleine saison de récolte, et une partie de celle-ci affiche en effet dans un panier de grandes et robustes gousses vertes.
La parcelle est humide grâce au couvert forestier et à la rivière qui coule en contrebas. Entre deux lianes, Julie Mutet retrace la méthode utilisée par Sabiti Mohamadi, le producteur : « Il s’agit d’une exploitation plutôt intensive avec des pieds rapprochés. Le danger, c’est donc l’appauvrissement du sol. C’est pourquoi, il apporte de la matière organique dans la terre, et qu’il a déposé des tronçons de bananier, recouverts par des demi-coques de noix de coco. D’autre part, la vanille est maintenue sur de tuteurs vivants de Jatropha. Les deux plantes vivent en symbiose. Le Conservatoire de botanique nous a proposé d’autres types de tuteur endémiques, et sur lesquels la vanille s’enroulera mieux. » La floraison dure environ une journée, « mais il vaut mieux féconder le matin, la gousse sera plus belle. » Les lianes doivent être renouvelées tous les 7 à 8 ans.
Hamidi Abdoul-Anzizi, Chef de projets professionnels agricoles à la DRTM du Département est présent. Il nous confiait qu’une coopérative est en cours de création, entre la Chambre d’Agriculture, la Direction de l’agriculture de l’Etat et le conseil départemental, avec une programmation pluriannuelle des projets.
Le Département très attendu donc pour booster une filière agricole qui fonctionne à Mayotte. En attendant de s’attaquer au café, aux clous de girofle, au poivre…
Anne Perzo-Lafond