Inscrite dans un plan ultramarin à 42 milliards d’euros, la lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme ne souffre pas d’un manque de moyens, ni d’un manque de volonté. Pourtant à Mayotte ce problème reste pesant, notamment sur l’économie. Comment formaliser son activité si on ne peut pas remplir un formulaire ? Comment réclamer une aide sociale ou régulariser un salarié si on ne sais pas écrire ? Sur la plan privé, comment bien accompagner ses enfants dans leur propre scolarité si l’on manque soi-même des savoirs de base ? Autant de défis qui font de l’illettrisme “un fléau” pour Mayotte, de l’aveu commun de la préfecture et du Département.
Et si l’on se fie aux chiffres de l’Insee qui datent de 2012, ce fléau est de taille : 58% de la population en situation d’illettrisme, 39% en situation d’analphabétisme. Bien sur il faut prendre en compte la situation du territoire pour comprendre que ces chiffres sont à distinguer des 2,5 millions de personnes concernées au niveau national. A Mayotte, l’école coranique apporte des savoirs de base en arabe écrit, et ces compétences font qu’un analphabète en français ne l’est en fait pas dans l’absolu. Ce qui est d’autant plus important que cet apprentissage traditionnel confère aux formateurs une base de travail, un levier, pour accéder plus facilement aux savoirs de base en français, et offrir à la population intéressée et motivée, plus d’autonomie.
Mais cinq ans après la création de la plate-forme, le chemin à parcourir reste immense. Plusieurs raisons à cela. Il y a un tabou persistant autour de la question qui rend rend difficile le fait de franchir la porte des CCAS. “Dire qu’on est illettré, c’est un peu comme faire un coming-out” illustre le sous-préfet Jérôme Millet. Ensuite, l’illettrisme, a forciori sur un territoire qui vit encore largement de l’économie informelle et de l’agriculture vivrière, est un problème “invisible et très complexe” qui touche des habitants de quartiers précaires.
Avant même de penser à former les personnes, il faut donc déjà les identifier. C’est l’un des enjeux de la convention de partenariat signée ce jeudi entre l’Etat et de Département. Et pour inciter les publics concernés à se manifester, il y a aussi un enjeu de communication. A la réunion, trois dames ont pu témoigner de leur formation. Que ce soit cette mère de famille, la trentaine, sans emploi, qui se trouve bien aidée dans ses formalités administratives et l’accompagnement de ses enfants, ou cette professionnelle de la pêche de 63 ans, allophone, qui a ainsi pu régulariser ses salariés, les exemples concrets montrent qu’à coeur vaillant il n’est rien d’impossible.
“On fait souvent état des difficultés, mais il y a aussi des succès” insiste le sous-préfet, sans nier que “c’est un combat au long cours”.
Y.D.
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