Avant de réorganiser la filière, la Chambre des Métiers et d’Artisanat avait créé à M’gombani l’Ecole régionale des métiers de la mode, intégrant les Comores et Madagascar.
Engagée dans la structuration des secteurs à travers une convention signée avec le conseil départemental sur 3 ans, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA) s’attaque à la couture, après avoir réorganisé le transport scolaire, « c’est ce qui leur a donné l’autonomie nécessaire pour répondre au marché », mais aussi les taxis… moins probant. « Pour eux, il y aura plus de visibilité dans ce domaine d’ici fin 2021 », assure Rifay Saïd Hamidouni, Chargé du développement économique au CD.
Une convention de 8 millions d’euros sur 3 ans est débloquée pour réorganiser l’ensemble des filières par le Département, qui là encore, fait un effort sur une compétence régionale.
Avant de se saisir de ciseaux et de découper un patron adapté au secteur de la couture, « pour passer de l’artisanat à l’industriel », le cadre s’est penché sur les chiffres. Quasiment aucune exportation, contre 1 million d’euros d’importation, « et alors que nous avons des couturières qui ont un vrai savoir-faire ». Une étude est menée par la CMA pour donner le profil de la profession, à laquelle 89% des 47 professionnels en activité ont répondu. Une vingtaine d’entre eux travaille sur Mamoudzou.
Un panorama figé depuis 15 ans
Il y a légèrement plus d’hommes que de femmes dans la profession, ils ont 49 ans en moyenne et sont à 71% mariés, avec un conjoint très majoritairement impliqué dans l’activité. La moitié d’entre eux ont des difficultés en lecture et en écriture, « 20% sont diplômés, les autres ont appris sur le tas. Il va donc falloir axer la structuration sur la formation, notamment au numérique, et former des encadrants pour les apprentis », analyse Salama Ramia, Chargée du Développement économique à la CMA. Ils sont 12% à s’être monté en société, les autres sont en entreprises individuels, ce qui explique que 6 sur 10 travaillent à domicile, dont la moitié dans une pièce de moins de 20m2.
Et si Jean-Denis Larroze, Secrétaire général de la CMA juge qu’il est urgent d’agir, c’est que « il y a 15 ans, c’était exactement la même configuration, ça n’a pas bougé ». Les techniques évoluant, certains vont donc s’exclure d’eux-mêmes du marché. « 98% travaillent sur commande, ils ne produisent pas pour vendre ».
Ce mardi, ils étaient réunis dans le bâtiment des Chambres consulaires, avec une première décision, celle de créer une coopérative artisanale, « c’est essentiel pour répondre à un appel d’offre, ou pour négocier les prix ». Il n’y a qu’un seul fournisseur de tissu sur l’île. Et pour encourager la production locale sous la forme d’une filière, Rifay Saïd Hamidouni le dit direct, « on peut agir sur l’octroi de mer. Mais pour ça, les élus doivent avoir été saisis par un groupement, arguments à l’appui ».
Des vêtements professionnels made in Mayotte
Ils veulent notamment s’attaquer par ce biais aux vêtements importés à bas prix de Chine, et vendus sur les marchés. « Ils peuvent devenir plus chers du jour en lendemain, si on joue sur l’octroi de mer, et si à l’inverse les taux sont baissés sur les importations de tissu, ça aura un rôle incitatif ». Il faut aussi jouer sur deux autres tableaux, « les Mahorais aiment les jolis vêtements, mais par exemple, ceux qui servent d’apparat dans les grands mariage sont importés de Moroni. Il faut faire du sur-mesure et de la qualité ».
Un marché est dans l’œil du viseur, celui des vêtements professionnels, « que ce soit ceux du CHM ou des agents du conseil départemental, il faut les fabriquer ici. »
L’étude débouche sur 4 pistes. Fédérer les professionnels tout d’abord, « ça marche, puisque la coopérative créée à cause de la crise Covid a permis de produire 50.000 masques* et 2.000 sur-blouses, faisant travailler des artisans qui n’avaient plus de commande », rapporte Salama Ramia. L’accompagnement technique ensuite, « nous avons dû contrôler la conformité des masques par rapport à la norme », puis la professionnalisation des acteurs en les formant, notamment à l’école Régionale de la Mode, mais aussi, à l’URMA, l’Université des Métiers et de l’Artisanat. Le plan de relance de l’apprentissage du gouvernement est aussi sollicité. Enfin, le soutien financier pour se doter de matériel adéquat, voire le moderniser.
Cerise sur le gâteau, un partenariat est en cours de signature avec l’Africa Fashion week, et un styliste africain propose de réaliser une collection, « et sur 15 jeunes qui ont débuté l’école, 8 ont décroché un travail pour dans deux ans », se réjouissait le secrétaire de la CMA.
De prochaines filières seront à afficher au tableau de chasse de la CMA en matière de structuration, comme la bijouterie ou la fabrication de brique en terre, « il faut arrêter de faire du bricolage, nous avons une belle vision de développement pour Mayotte », conclut Jean-Denis Larroze.
Anne Perzo-Lafond
*Pour se fournir en masques grand-public: 0639 69 27 91
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