Des dizaines de visiteurs se pressaient ce mardi matin pour visiter la chocolaterie flambant (ou plutôt fondant) neuve de Valérie Ferrier et son compagnon Laurent Guichaoua. A l’intérieur, point de Oompa Loompas, puisque les fèves de cacao dont ils se nourrissent sont trop rares et précieuses à Mayotte pour les rémunérer, pas davantage d’écureuils puisque le couple de maraîchers ne prévoit pas de faire du chocolat aux noisettes et encore moins de vache maltraitée pour la crème fouettée puisqu’ils ne font que du chocolat noir. Noir à 70%, ou à 55% avec une pointe de vanille. Ce sont les deux produits encore expérimentaux qui devraient être commercialisés fin janvier, et qu’une poignée de privilégiés a pu déguster.
Mais revenons-en au début de cette folle aventure. Tout commence il y a cinq ans lors d’un voyage à Madagascar. Le couple découvre alors le chocolat malgache et commence à mûrir son projet d’un produit mahorais, cultivé et transformé ici. En mars 2019, une SARL dédiée à la transformation est créée ainsi qu’une association “Café-Cacao” pour réunir autour d’un projet commun plusieurs producteurs du coin disposant de pieds de cacao et de café. Ces derniers sont abondants à Mayotte, quoique souvent délaissés. L’île offre de nombreuses espèces de robusta, qui ne demandaient qu’à être torréfiées et mélangées pour trouver l’équilibre recherché. Après des mois de travail, deux produits ont été élaborés, un café doux, un autre plus corsé. Le café est déjà disponible à la boutique Kanga Maoré de Kawéni et depuis cette semaine, à l’aéroport.
Le chocolat a pris plus de temps. En effet, le cacao a été abandonné depuis belle lurette à Mayotte. Cette plante pourtant “se prête bien au territoire” note Laurent Guichaoua mais il faut deux à trois ans pour qu’elle arrive à maturité. Pour le couple, pas question d’attendre aussi longtemps. Après avoir planté des fèves locales, il a décidé, en attendant de produire assez pour transformer sa propre récolte, d’importer des fèves de Madagascar. De quoi expérimenter et se faire la main. Le résultat, ce sont des petites tablettes de chocolat noir ou à la vanille. A terme la production devrait grimper à près d’une tonne de chocolat par an.
Deux gammes distinctes pourraient alors cohabiter : une à base de fèves malgaches, et une autre, plus fine et plus coûteuse en raison d’une main d’œuvre plus chère à Mayotte, mais 100% locale de la récolte à la vente du chocolat.
Pour Issa Anfani, un des agriculteurs partenaires de Kanga maoré, le chocolat made in Mayotte est “un progrès pour l’agriculture locale, avant on produisait surtout du manioc, mais le cacao peut être plus rentable, à condition d’avoir beaucoup de pieds”.
Deux semaines après l’inauguration du pôle agricole d’excellence de Coconi censé relancer la filière ylang, les filières café et cacao ont à leur tour une chance de redécoller. Le fruit non pas d’une volonté politique, mais “d’une passion, chez nous comme chez les producteurs”, sourit Laurent Guichaoua. “C’est des cultures que faisaient les parents et les grands parents, et il y a un côté affectif. De plus ce sont des produits nobles, c’est un plaisir à travailler”. Pour lui, ces plantes compatibles “avec le jardin mahorais” sont “un complément de revenu” intéressant pour les petits agriculteurs, et donc une réponse intéressante à la tentation d’une production intensive à l’opposé de l’ADN des cultivateurs mahorais.
Y.D.
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