Ces derniers jours, le recteur de Mayotte maintenait son cap sur une ligne de crête. Sur un versant, pas question pour Gilles Halbout de tomber dans une fermeture trop rapide des établissements qui isolerait certains élèves d’une fragile scolarisation, et sur l’autre, il ne fallait pas alimenter de possibles clusters*. Tiraillé dans tous les sens, il a tenu bon jusqu’à l’annonce du confinement. Nous sommes revenus avec lui sur cette période de montée de l’épidémie dans les établissements, et sur la nouvelle ère d’enseignement à distance avec une donnée en tête, un tiers des ménages seulement est connecté à Mayotte, dont la moitié d’entre eux au le haut-débit.
JDM : Comment avez-vous vécu les derniers jours d’avant confinement et la gestion des contaminations dans les établissements scolaires ? Quelles leçons à en tirer pour la rentrée de mars ?
Gilles Halbout : Après avoir appliqué le protocole de l’ARS, nous avons estimé que le délai de remontée des tests, parfois 48h, était trop long. Nous avons donc mis en place une cellule de suivi des cas contacts pour avoir des remontées en temps réel sur toutes les écoles, exposées sur ce tableau. Il arrive malgré tout que l’élève envoie des textos à ses amis pour signaler qu’il est malade avant même que le chef d’établissement soit informé par ses parents. D’autres sont absents sans que la suspicion de Covid soit confirmée ou infirmée. Du coup, lorsqu’il y avait trop d’absents dans une classe, nous la fermions.
Nous avons parallèlement mené des campagnes massives de dépistage dans plusieurs établissements, comme à Majicavo. Lorsque se présentait le cas de personnels ou d’élèves contact, nous expliquions le protocole de l’ARS d’un isolement et d’un test au bout de 7 jours. Les résultats du dépistage nous ont incités à passer en demi-jauge, puis à fermer le collège. Contrairement à Sada et à Bamana où après des résultats de 2% de taux de positivité, donc inférieur aux dépistage pratiqué à l’aéroport, nous sommes restés au niveau 2. Donc notre méthode est de tester et de décider du niveau de réaction en fonction des résultats des indicateurs. Le même dispositif sera reproduit à la rentrée.
JDM : Et dans le premier degré ?
Gilles Halbout : Quand il y avait des suspicions de diffusion du virus, nous avons fermé préventivement les classes. C’est le cas de la maternelle à Passamainty stade, nous avons désinfecté entièrement l’établissement, puis rouvert ensuite. La propreté des écoles relève de la responsabilité du maire, mais alerté par les organisations syndicales sur un relâchement dans ce domaine, nous avons prévu de mettre en place une brigade anti-Covid comme à Sada. Avec cette fois des Volontaires services civiques de l’Etat qui viendraient ainsi accompagner le travail des maires.
TROIS NUMÉROS VERTS POUR MAINTENIR LE CONTACT
JDM : Le confinement ayant intégré la fermeture des établissements scolaires, remettez-vous en place la même organisation qu’en mars 2020 ?
Gilles Halbout : A la différence de ce premier confinement en 2020, nous ne sommes pas sur une période de retour de vacances. Donc, les enseignants ont eu la journée de vendredi pour commencer à s’organiser avec leurs élèves, et dès lundi, la priorité sera de ne pas perdre leur contact. Je m’adresse aux parents et aux élèves, il ne faut pas attendre pour avoir un contact par téléphone ou par internet avec son établissement ou l’enseignant. Ces derniers vont utiliser des modalités différentes. Pour certains, ce sera la diffusion des cours par Skype ou Zoom, pour d’autres, ce sera une pochette rassemblant les matières, déposée dans les écoles.
Pour garantir ce contact, nous mettons en place trois numéros verts**, donc gratuits. Le premier propose une assistance sociale et psychologique (0 800 705 706), car le confinement est une période compliqué surtout pour les élèves déjà suivis socialement. Le 2ème sur les problèmes de connexion et de scolarité (0 801 900 800), et enfin, les élèves qui doivent être accompagnés pour s’inscrire sur Parcoursup (0 800 721 800). L’objectif est de ne laisser personne isolé. Si un jeune perd ce lien parce qu’il est malade ou parce qu’il a arrêté de travailler, sa famille doit composer un de ces numéros.
Trois semaines, c’est à la fois long et court, il faut être rapide et concentrer nos efforts.
JDM : Comment sont accompagnés les enseignants pour ce nouvel opus de diffusion des cours en distanciel ?
Gilles Halbout : Nous mettons en place une cellule de continuité pédagogique avec les inspecteurs en soutien, soit sur les moyens techniques à solliciter, soit sur le fond.
JDM : Dans un embryon d’étude sur le 1er confinement à Mayotte, l’institut Icare avait mis en évidence le « manque d’équipement informatique des familles » sur le territoire. Le ministre Jean-Michel Blanquer avait de son côté rapporté dans l’Express qu’en outre-mer, le confinement avait induit « entre 15 et 25% de décrochage scolaire », contre 4% en métropole ». On peut penser que le haut de la fourchette concerne Mayotte. Quels sont les points d’amélioration ?
Gilles Halbout : Les retours que nous avons eus du 1er confinement portent sur deux sujets : des élèves ou des parents qui constataient un relâchement de la continuité pédagogique, et des équipes pédagogiques qui avaient du mal à proposer du contenu sur la durée avec seulement un tiers des élèves connectés à Zoom. Nous allons donc fournir des cartes d’abonnement à internet prépayées, les opérateurs sont déjà contactés.
JDM : En conséquence, pour la rentrée en mars, cette partie de programme sera-t-elle considérée comme acquise, ou les enseignants reviendront-ils sur le contenu ?
Gilles Halbout : Nous considérons que les cours sont dispensés malgré tout, il s’agit avant tout de ne pas tirer la classe vers le bas. Mais rien n’empêche les enseignants d’évaluer les acquis à leur retour et d’agir en fonction, surtout que deux semaines de vacances succèdent au confinement.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* 5% des clusters détectés concernent les milieux scolaires et universitaires
** Numéros prévus d’être activés dans la journée du 8 février
Comments are closed.