Des bulldozers de la destruction aux fleurs de la reconstruction ? C’est le pari fait par Coallia qui s’apprête à accueillir les premiers résidents d’Étape Fulera (fleur en maoré), village de transition pour les « décasés ». Mais c’est un tout autre genre de visiteurs qui a foulé les allées du site bordant la mangrove de Tsoundzou ce jeudi. Menée par le préfet et guidée par Éric Nicaise, directeur régional adjoint de Coallia, la délégation comprenant salariés de l’association, représentants de l’Epfam et des services de l’État joue les inspecteurs des travaux pas tout à fait finis : 14 appartements de 4 personnes sont livrés quand le site doit en offrir 62 à terme pour une capacité d’accueil totale de 240 habitants.
Entre coin cuisine, chambre et salle de bain, les commentaires et anecdotes vont bon train. Dont certaines sont révélatrices. Éric Nicaise explique ainsi au préfet avoir reçu des vétos des sièges parisiens à ses demandes d’assurance auprès des grands groupes de la place. « Ça il faut le faire remonter pour faire en sorte que le ministère des Outre-mer puisse discuter avec eux », lui répond Thierry Suquet par dessus les vrombissements d’un groupe électrogène… Car le village n’est pas encore raccordé ! « On devrait accueillir les premiers
habitants samedi… À condition qu’EDM vienne faire le raccordement. On ne va pas commencer ce projet à la bougie », glisse un peu dépité le représentant de Coallia. Qu’à cela ne tienne, « c’est l’aboutissement d’un long travail », se félicite le préfet, décidément plus séduit par le bois que par la tôle.
Six mois d’hébergement et une équipe pluridisciplinaire pour l’insertion
Au delà du bâti, c’est aussi tout un dispositif d’insertion qui s’est construit autour d’Étape Fulera et sous l’égide de Coallia, gestionnaire du site donc. Formateurs, psychologue, infirmier, maîtresse de maison, conseillère en insertion ou encore éducateurs forment ainsi une équipe pluridisciplinaire – mais qui connaît le terrain insiste Éric Nicaise – de 22 personnes qui accompagneront les familles pendant leurs six mois sur place. « Pour insérer, il faut avoir levé tous les freins et dieu sait s’ils sont nombreux, qu’il s’agisse du social, de la santé, de l’accès aux droits de manière générale ou à la formation, il faut être sur tous les fronts », fait valoir le responsable de Coallia. Laquelle association qui s’implante localement à travers ce projet « a fait ses preuves, est reconnue au niveau national » comme s’en satisfait le préfet, mais ne compte pas « travailler dans une bulle », « on construit tout un réseau autour des partenaires locaux », assure le responsable associatif.
« On avait des limites, d’où l’intérêt de structures comme celle-ci »
« À travers Étape Fulera, on montre très concrètement qu’on n’ouvre pas des bâtiments, on met en place un dispositif d’insertion très ambitieux », vante le préfet après avoir planté
un arbre du voyageur à l’entrée du site. « L’objectif est que l’on développe ce type d’hébergement, la demande est importante, on a besoin de ce genre de sas, d’étapes », poursuit le délégué du gouvernement. Quatre opérations de ce type devraient ainsi voir le jour assure-t-il, sans fournir de calendrier ni de nombre de places. L’urgence est pourtant là : selon le bilan de l’Acfav transmis aux autorités en amont de la destruction prochaine du quartier Carobolé de Koungou, 706 personnes auraient effectué une demande d’hébergement. « Sur les opération de résorption de l’habitat insalubre, il y a toujours un souci d’accompagnement, on a toujours eu comme objectif de proposer des alternatives », tente de convaincre le préfet. Ce que ne peut pas confirmer la presse, qui a régulièrement recueilli des témoignages le contredisant. « On avait des limites, d’où l’intérêt de structures comme celle-ci », reconnaît cependant le préfet, rebondissant sur le récent décret venant faciliter l’accès au logement très social sur le territoire. Mais « il va falloir expérimenter, faire venir au moins un deuxième opérateur ».
Autant dire que Carobolé sera revenu à la terre avant que ces logements n’en sortent. Reste qu’avec Coallia, fondée en 1962 par Stéphane Hessel, l’oeil d’un Juste veille désormais sur l’accompagnement d’un public fragile. Gageons qu’il ne s’en indigne pas.
Grégoire Mérot
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