Les calculs de Météo France confirment cette année encore les conclusions du GIEC, le groupe international d’experts pour le climat. Avec le réchauffement global, la saison cyclonique s’annonce plus courte et potentiellement plus intense que d’habitude.
“C’est un risque qui arrive tous les ans mais sur lequel il faut rester mobilisés” estime le préfet qui a signé ce lundi “un arrêté sur les dispositions cyclone du plan Orsec” qui met à jour les modes de communication, les seuils et les moyens mis en œuvre en cas d’alerte.
Si la préfecture tient à communiquer chaque année sur ce sujet, c’est que “les cyclones sont les catastrophes naturelles les plus destructrices au monde”, avec pas moins de 800 000 morts ces 50 dernières années rappelle le responsable local de Météo France Laurent Floch selon qui “le potentiel de destruction est énorme, que ce soit le vent, les pluies diluviennes, les inondations ou les glissements de terrain et éboulements. A ces aléas il faut ajouter les vulnérabilités du terrain” poursuit-il. Or, Mayotte présente “une vulnérabilité sans commune mesure, peu de bâtiments pouvant servir de zone refuge” précise la préfecture. “L’habitat informel accroît le risque à Mayotte, c’est 50% des habitations à Mayotte, et s’y ajoute l’absence de structures suffisantes pour la mise à l’abri” précise le préfet.
A cela s’ajoute une culture du risque encore balbutiante. En effet dans l’histoire récente, seul Kamisy en 1984 avait présenté des vents supérieurs à 150km/h sur l’île. Pourtant rappelle Laurent Floch, “dans les 45 dernières années on a vu passer 12 cyclones à moins de 300km des côtes [de Mayotte]. La majorité des trajectoires était d’est en ouest (trajectoire zonale) avec une tendance à contourner Madagascar par le nord.
On a eu à Mayotte ces sept dernières années 3 épisodes majeurs qui auraient pu nous toucher : Hellen, Kenneth et Belna, pour lesquels on a eu une chance incroyable. Ce risque existe”.
Après 2019 et la grosse sueur froide causée par Belna, la saison 2020-2021 avait été plus calme dans notre zone, avec une activité plus centrée sur l’est de l’océan Indien. Dans notre zone, Heloise et Jobo avaient toutefois touché la cote est-africaine.
La saison qui commence devrait présenter “des similitudes” avec la précédent, indique Laurent Floch qui évoque des “conditions plus propices à une formation de cyclones et tempêtes plutôt à l’est avec des trajectoires zonales. Ces trajectoires présentent un risque d’entrer en collision avec des terres habitées”. Des “trajectoires potentiellement menaçantes” qui resteraient relativement éloignées de Mayotte. Dans un premier temps du moins. Car à la différence de la saison dernière, “l’autre tendance, c’est un démarrage plutôt tardif, avec un pic en mars-avril, et une activité plus sur le centre-ouest à partir de février”. Et si “cela ne constitue pas une prédiction d’impact pour Mayotte”, “on peut comparer cette fréquence attendue à la saison 2016-2017 où Enawo avait impacté Mayotte avec de fortes pluies” ajoute le prévisionniste.
Vers des saisons plus courtes et plus intenses
Et si la vigilance est prise autant au sérieux, c’est que cette saison tardive et concentrée sur quelques semaines pose le risque de systèmes plus violents, comme prévu par le GIEC.
“On a analysé des raisons qui peuvent expliquer cette diminution du créneau de la saison cyclonique, il en va de même pour la saison des pluies, on a ce signal donné par notre supercalculateur, que le sud ouest de l’Océan Indien s’assèche, mais surtout on a un dernier trimestre qui s’assèche beaucoup plus. Ça veut dire que la saison des pluies d’ici 50 ans interviendra beaucoup plus tard, avec des précipitations plus violences au premier trimestre de l’année. Le réchauffement climatique global veut qu’il y ait un réchauffement plus important de la surface l’eau et de l’air, ce qui veut aussi dire que le nombre de cyclones très actifs seront plus importants” analyse Laurent Floch.
Ce qui se dessine pour cette fin d’année est donc dans la droite ligne de ce qui est préfiguré pour les prochaines décennies. Alors qu’il n’a presque pas plu en novembre, le total des précipitations attendu en décembre est de 200mm, soit 50mm de moins que la normale. De quoi craindre des pluies diluviennes en début d’année. Ce qui peut être une bonne nouvelle pour les réserves d’eau, moins pour les habitants.
“Il faut différencier la saison cyclonique et la saison des pluies mais il y a des points communs, précise Laurent Floch. Octobre a été supérieur à la moyenne en termes de précipitations mais en novembre on est sur un mois plus sec que la normale. Les 55mm tombés le weekend dernier ne changent pas cette moyenne. Un mois de décembre donne en moyenne 250mm sur le relief, et on a un signal qui est 50mm en dessous, c’est beaucoup plus qu’en novembre, mais ça reste bien en dessous de la normale.” Du coup confirme-t-il, “les précipitations risquent d’être concentrées sur le début d’année, avec de potentielles conséquences négatives, car étant plus convectives elles peuvent être plus dangereuses”.
Reste à améliorer les moyens de communication face aux risques climatiques. L’expérience de Belna a montré aux autorités la difficulté à faire venir les habitants vers les lieux surs, entre un risque réel de cambriolage et un danger qui peut sembler abstrait, car invisible jusqu’à la dernière minute. Des applications comme “Windy” qui permettent de visualiser ces phénomènes avaient participé à convaincre une partie de la population de s’abriter.
“On a engagé un travail sur l’acculturation sur la sécurité civile, on a petit à petit une prise de conscience mais ça reste un enjeu” confirme le préfet.
Y.D.
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