Rassemblement des non-grévistes, chômage technique, fermeture des magasins à partir de lundi… la Sodifram envisage de multiples scénarios si les forces de l’ordre n’interviennent pas contre le piquet de grève qui paralyse l’entreprise. La société lance également une alerte à la pénurie.
Au 7e jour du blocage de tout ravitaillement des magasins Sodifram, le groupe avance un risque sérieux de pénurie d’un grand nombre de produits. Depuis lundi, une partie des 120 salariés en grève sur les 550 du groupe empêche la circulation des camions de la société de distribution et les magasins commencent à manquer de produits. Les rayons frais sont vides dans les plus petites structures et ce sont maintenant les denrées de première nécessité qui disparaissent des rayons faute de réapprovisionnement. Plusieurs magasins n’ont plus de sucre, celui de Chiconi n’a plus de riz. A Passamainty, ce sont l’huile et la farine qui ne sont plus disponibles.
La direction de la Sodifram au grand complet avait organisé une conférence de presse ce samedi pour souligner le risque pour l’ensemble du département : «A Mayotte, quand la Sodifram est en rupture, les autres le sont en 48 heures», expliquait les cadres du groupe, car les consommateurs font leurs achats chez les concurrents et surtout, ils font des stocks.
La chaîne logistique se bloque
Au-delà des magasins, c’est toute la chaîne logistique qui se bloque peu à peu. Si les enseignes ne sont plus réalimentées, cela signifie que les entrepôts du groupe sont pleins et que les containers de marchandises s’entassent sur le port. Selon la direction de la Sodifram, 230 containers sont en attente à Longoni, contre moins d’une centaine en temps normal. On approche de la saturation d’autant qu’un bateau avec une trentaine de containers supplémentaires est attendu jeudi.
Dans la zone logistique du groupe à Kawéni, 80 containers sont également en attente de déchargement. Lorsque le déblocage sera effectif, il faudra du temps pour que l’ensemble de la chaîne rattrape son retard et fonctionne à nouveau normalement.
Si les conséquences économiques ne sont pas encore quantifiables pour le groupe, la période est sensible. «Durant les huit jours qui encadrent le début du ramadan, le chiffre d’affaires est multiplié par trois», indiquait la direction et l’ensemble des produits doivent être répartis trois semaines avant. Or, le ramadan débute dans moins de deux semaines.
Quelle issue ?
La Sodifram commence à envisager du chômage technique pour certains salariés, notamment dans les petits magasins qui n’ont plus de stock ou pour les chauffeurs des camions dont l’outil de travail est bloqué par les grévistes. Une pétition circule déjà parmi les salariés non-grévistes du groupe pour demander un retour à la normale.
Si le blocage persiste lundi matin, la tension pourrait atteindre son paroxysme. La direction envisage de demander à l’ensemble des magasins du groupe de rester fermé pour que les salariés non-grévistes se regroupent à Kawéni. Le slogan du rassemblement serait tout simplement «Laissez nous bosser» et les panneaux sont en préparation. Mais le regroupement pourrait se transformer en manifestation voire en opération coup de poing contre le barrage des grévistes.
Compte tenu du climat extrêmement tendu, on pourrait s’acheminer tout droit vers un affrontement. «Si un salarié perd son sang-froid et que ça se termine dans un bain de sang qui est responsable ?», demandait un cadre du groupe. L’Etat est directement visé, accusé de «non-assistance à entreprise en danger» pour n’avoir pas envoyé les forces de l’ordre pour faire respecter la décision de justice de jeudi.
Retour devant la justice
Après avoir été longuement reçu après le coup de force de vendredi à la préfecture, le groupe ne comprend toujours pas pourquoi le préfet n’a pas autorisé cette intervention. La direction a donc décidé de faire appel de l’ordonnance pour que soit notifié de façon explicite l’envoi des forces de l’ordre pour faire appliquer l’interdiction du blocage des camions.
Lundi matin à 8 heures, la justice écoutera à nouveau les arguments des uns et des autres pendant que les non-grévistes iront au contact des grévistes. Le conflit social pourrait se transformer en conflit tout court.
RR
Le Journal de Mayotte
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