C’est presque en conquérant que le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer descend sur le ponton de la marine, à la rencontre des effectifs dédiés à la lutte contre l’immigration clandestine en mer. Un rendez-vous aux allures d’inspection des troupes, prenant le pas sur la séquence aérienne et la visite de l’un des avions destinés à la surveillance du lagon.
« Les choses se sont largement améliorées en trois ans »
Et le hasard fait bien les choses (presque trop bien ?), l’intercepteur visité par les ministres en vadrouille a justement intercepté l’un des nombreux kwassas qui entrent sur le territoire, le matin de la venue ministérielle. A son bord, pas moins de 30 000 euros de marchandise, entre cigarettes de contrebande et bangé. Une belle coïncidence qui donne de la couleur à la visite, et qui aura servi de prélude au discours aux airs de bilan de Gérald Darmanin. « Les choses se sont largement améliorées en trois ans », déclarait-il alors.
« Quand le président de la République est venu, il n’y avait que quatre intercepteurs, il y en a désormais neuf et deux arriveront en janvier prochain. En trois ans, on a triplé le nombre d’intercepteurs de la police et de la gendarmerie (…) on a augmenté de 50% nos policiers et nos gendarmes en 4 ans sur le territoire de Mayotte, dont une bonne moitié d’ailleurs de ces 440 policiers supplémentaires et gendarmes supplémentaires sont occupés à la police aux frontières ». Plus de moyens donc, quid des résultats ? « On a doublé le nombre de personnes que l’on renvoie aux Comores ou dans les Etats africains dont Madagascar puisqu’on est à plus de 20 000, c’est un chiffre extrêmement important du retour aux frontières. Parfois en métropole on me pose des questions pour savoir si on est efficace, ici on est efficace et on est efficace surtout depuis les derniers mois ».
Et le ministre de l’intérieur d’évoquer les autres moyens mis à disposition de la lutte contre l’immigration clandestine : « Depuis quelques semaines seulement les drones volent grâce aux lois que nous avons réussi à faire adopter à l’Assemblée nationale et le Sénat avant l’élection présidentielle. Il y a des drones de renseignement qui viennent remplacer ou compléter ce que vous avez vu tout à l’heure (ndlr les avions) et qui viennent d’arriver eux aussi, ça c’est un premier point et puis il y a des radars, quatre radars que nous allons intégralement changer et on va en rajouter deux supplémentaires ».
Droit du sol et convergence sociale : rien de nouveau sous le soleil mahorais
Plus en amont dans la lutte contre l’immigration clandestine : la lutte contre « l’attractivité du territoire de Mayotte ». L’occasion de glisser un mot discret sur la convergence sociale : « Nous devons bien évidemment réduire cette attractivité sans rien toucher aux droits des mahorais, sauf pour une convergence sociale ». Mais « on ne doit pas permettre une attractivité sociale ».
Transition idéale vers ses propos tenus en cette fin de semaine dans le Journal du Dimanche, où Gérald Darmanin évoquait sa vision de l’évolution du droit du sol : « puisque j’aurais l’occasion en septembre d’échanger avec toutes les forces politiques du pays dont notamment suspendre le droit du sol tel qu’il existe ici à Mayotte ». Si le ministre souhaite pouvoir inscrire dans un prochain projet de loi l’obligation pour « l’un des deux parents [d’être] régulièrement depuis plus d’un an sur le territoire [de Mayotte] afin que leur enfant soit reconnu comme Français », l’idée est loin d’être novatrice puisque déjà défendue par le sénateur Thani Mohamed Soilihi, qui a obtenu une présence régulière de l’un des parents fixée à trois mois. Une révolution. Lors de sa précédente visite en 2021, le ministre de l’Intérieur avait déjà affiché cette volonté de porter le délai à un an.
De la nécessité d’agir : la réaction de la députée Estelle Youssoufa
Présente lors de ces deux séquences ministérielles (sans grande surprise puisque l’immigration clandestine relève de son créneau électoral), la députée récemment élue Estelle Youssouffa n’a pas manqué de réagir, évoquant « la nécessité d’être ferme, concret et de sortir des grands discours ». « Le ministre nous a dit qu’il reviendrait cet automne. On a le sentiment d’une prise au sérieux des enjeux de Mayotte à Paris et il faut agir maintenant » continuait la députée.
Concernant la question de la fin du séjour territorial, elle déclare qu’« on a du pain sur la planche à Paris. Je reste au travail, il s’agit de faire avancer nos dossiers, il faut argumenter, il faut se battre. Pour le moment l’avancée qui est envisagée c’est plus de limite sur le droit du sol à Mayotte (…) Il faudra que le gouvernement ait le courage de ses déclarations ». Et de déclarations, cette visite ministérielle de trois jours n’en manquera probablement pas. Quid des avancées ?
Mathieu Janvier
Comments are closed.