De la préfecture aux associations, la salle de la mairie de Mamoudzou était bondée pour convenir d’actions communes auprès des parents des jeunes délinquants.
Mohamed Majani, le maire de Mamoudzou, était l’animateur hors pair du Conseil Local de Sécurité de Prévention de la Délinquance (CLSPD) qui se tenait ce vendredi dans sa mairie : « proposez des actions et trouvez des solutions », prévenait-il. Un CLSPD qui se tenait après les affrontements entre bandes de Kawéni et Majicavo, et en réponse à la constitution d’un comité de défense de quartier d’un groupe d’habitants à Kawéni. Et à la veille de la visite de la ministre de la Justice.
Tous les acteurs, en dehors de quelques élus, en convenaient d’ailleurs : « le temps des réunions est révolu ». L’état des lieux est en effet connu de tous : des bandes de jeunes, même de très jeunes, désœuvrés qui provoquent, menacent et créent une insécurité, plus qu’un sentiment, telle, qu’un Comité de quartier s’est créé. Apparemment pas une milice.
La salle des délibérations de la mairie est archi pleine ce vendredi à 14 heures. Les élus en charge de la politique de la ville et de l’enfance sont présents aux côtés des représentants de l’Etat et de la justice, de tous les chefs d’établissements de la commune, des associations, et surtout, grande première, de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) du Conseil général, qui veut confirmer sa reprise en main de l’action sociale.
Les projets délaissés par mairie et politique de la ville
Les propositions sont nombreuses, certaines réalisations plus complexes. Parmi les solutions simples, « la disparition des tas de terre qui favorisent les planques et les violences entre les bandes de Kawéni et de Koungou », demande réitérée à la mairie par Alain Berna, le proviseur du lycée de Kawéni, sans que rien ne bouge, « rétablir l’éclairage public défectueux », préconisait le commissaire de Police Miziniak, « une solution peu coûteuse et qui peut nous aider ».
Quant à l’occupation de ces jeunes désœuvrés, la responsabilité de la mairie était pointée du doigt : « les associations ont eu leurs vivres coupés, nous avons nous-mêmes montés plusieurs projets structurés qui n’ont jamais reçus d’aides », critiquait le principal du lycée de Passamainty.
Son expérience est d’ailleurs exemplaire à plus d’un titre : « il y a encore deux ans, notre secteur était le plus violent. Or, sur six projets montés dans le cadre de la politique de la ville, aucun n’a été retenu. Nous avons donc mis en place avec le Commissaire Chamassi des interlocuteurs tripartites de Vahibé-Passamainty et Tsoundzou, les villages en cause. La situation s’est améliorée, mais les Contrats uniques d’insertion connus dans la zone et qui maintiennent le calme, vont arriver en fin de validité et seront remplacés, provoquant à nouveau un flottement. Comment les rendre pérennes ? ».
Identifier les parents
Une des solutions serait leur recrutement par la mairie. Sylvie Especier, sous-préfète à la Cohésion sociale et à la Jeunesse, propose une solution pour que la situation ne se reproduise plus : « les Contrats Uniques d’Insertion seront désormais proposés ‘clef en main’ aux communes puisque nous allons y inclure une formation à la négociation.
« Concentrons nous sur les parents de ces enfants qu’il faut identifier », invitait le capitaine de Police Chamassi en préconisant de les informer des risques encourus devant la loi en cas de démission. Une tâche à laquelle va s’attacher Ahmada Mohamed Tostao, en charge de l’enfance, de la jeunesse et de l’éducation à la mairie, dans le cadre de son Comité de défense de quartier dont il faudra clairement identifier les membres, « nous leur fournirons le matériel adéquat », glisse Sylvie Especier.
Créer un lien avec les parents ne suffit pas pour Didier Pialat le principal du collège de Kawéni 1, « ils sont en majorité très volontaires en participant notamment à l’encadrement des études, mais nous avouent leur impuissance à contrôler leur progéniture ». Il en découle la volonté de mettre en place une stratégie globale sur la parentalité, qui commencera avec les actions du Comité de défense de quartier.
Pour y arriver, le représentant de l’Aide sociale à l’enfance, Ahmed Djoumoi Abdullah, appelle à un partenariat, un réseau, entre les éducateurs qu’il a du mal à recruter à Mayotte, et les communes et les forces de l’ordre : « nous avons du mal à fixer ces enfants entrés dans l’errance ». Les places d’accueil proposées par le Conseil général seront doublées.
Si le procureur Joël Garrigue se réjouissait de ces annonces de son partenaire privilégié qu’est l’ASE, il critiquait certains parents « dont la mauvaise foi les complait dans le laisser-faire », accusait-il en invitant à utiliser le rappel à l’ordre*, acte que pourra initier le maire qui le signait ce jour, « vous devenez ainsi le premier magistrat de votre ville, celui qui rappelle les règles à ses administrés et qui redevient un vrai chef de village à l’image de ce qui existait auparavant à Mayotte ».
Les représentants de la commune ont pris beaucoup de notes, un compte rendu de la réunion devrait servir de base de travail.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*Le rappel à l’ordre est une injonction verbale adressée par le maire à un mineur en présence de ses parents pour agir sur son comportement
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