CARNET DE JUSTICE DU JDM. Quand il parle à la barre, impossible d’entendre sa voix. Il se penche vers le traducteur comme si les réponses aux questions qu’on lui pose étaient trop difficiles à assumer en public, dans une salle d’audience du tribunal de Mamoudzou. Ahmed doit répondre d’agressions sexuelles commises à l’encontre de trois mineurs en mai et juin 2013 dans le sud de Mayotte.
Il y a d’abord eu ce garçon de 11 ans qu’il croise dans les rues de Kani-Kéli et à qui il propose de l’argent pour avoir des relations sexuelles. 20 euros pour un téléphone portable. «C’était au bord de la plage», rectifie-t-il. Puis, la proposition a été plus directe à un adolescent de 14 ans. Le collégien était aux champs avec lui quand il a sorti trois billets de sa poche, 50€, 20€ et 10€. «Il voulait me laisser cet argent pour me b… », dira simplement l’ado.
«C’était pour blaguer avec lui», tente de justifier l’homme qui ne convainc personne. «On va passer à autre chose que des blagues, prévient le président Rieux, parce que dans la même période, une institutrice découvre des faits sur un enfant.»
Alerte sur un enfant de 8 ans et demi
C’est le moment où l’affaire éclate au grand jour. L’institutrice va voir la police pour protéger ce gamin de 8 ans et demi qui est encore un tout petit garçon à l’époque. A cinq reprises, l’enfant a été victime d’Ahmed, 4 fois à la plage, une fois à la rivière où un homme dérange le pédophile, le contraignant à prendre la fuite. Le témoin de la scène prend alors en charge le petit, qu’il trouve pantalon baissé et en pleurs, les pieds dans l’eau. «Ne dis rien à ma mère, je ne veux pas qu’elle me fouette», demande simplement l’enfant.
A chaque fois, le mode opératoire est le même. Ahmed se frotte contre l’enfant sans le pénétrer.
«Etes-vous attiré par les petits garçons ?» demande le juge. «Je ne sais pas comment c’est arrivé, c’est un accident», explique Ahmed. «Donc, il y a eu 5 accidents avec ce petit?» demande le président.
Comme c’est parfois le cas dans ce genre d’affaire, une des petites victimes est présente dans la salle, sagement assise à côté de sa mère. Le garçon vient à la barre, à la demande de la procureure, qui veut lui faire comprendre qu’il n’a rien à ne se reprocher, même pas d’avoir suivi un homme qui lui proposait un vélo. Qu’il est bel et bien une victime.
Fait rassurant, même s’il est très tôt pour tirer des conclusions définitives, aucun des trois enfants ne semble particulièrement affecté psychologiquement par les événements.
C’est finalement le rapport psychiatrique qui va mettre des mots sur les actes que le tribunal a à juger : «déviance pédophile homosexuelle» ; «passage à l’acte opportuniste», il a profité de la faiblesse d’un enfant ; «risque de réitération important»… Il est donc un récidiviste en puissance mais pourtant, aucune prise en charge n’a encore été initiée.
Si Ahmed est arrivé encadré de gendarmes depuis Majicavo où il est en détention préventive, depuis juillet 2013 il n’y a rencontré un psychiatre qu’à 3 reprises. La première fois, le thérapeute lui prescrit… du Valium pour dormir.
«Vous ne pourrez pas l’enfermer ad vitam aeternam», prévient Me Hassan, son avocate. «A un moment donné, il va bien falloir qu’il se réinsère dans la société, auprès de sa femme et de ses enfants.» Le tribunal le sait. Il va condamner l’homme à un suivi socio-judiciaire avec une obligation de soin de 3 ans qui débutera à l’issue des 4 ans de prison qu’il va devoir purger.
Ahmed aura également interdiction de se rendre au domicile de ses victimes et de paraître dans les lieux accueillants des mineurs. Son nom figurera également au FIJAIS, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles.
Il va également devoir trouver les moyens de régler les dommages et intérêts auxquels le tribunal l’astreint : 5.000 euros pour sa principale victime, 2.000 euros pour la mère du petit et 300 euros pour chacun des deux autres enfants qui ont subi les propositions.
RR
Le Journal de Mayotte
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