CARNET DE JUSTICE DU JDM. Une affaire de pilote de kwassa était jugée en comparution immédiate, vendredi après-midi. Malheureusement, ce type de dossier est relativement banal à Mayotte, mais cette fois-ci, il avait un caractère particulier. Il s’agissait du pilote du kwassa dans lequel un bébé est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi.
A la barre, Issouf, 20 ans, n’est pas poursuivi pour la mort de ce petit passager. «On peut considérer que l’enfant est décédé de causes naturelles», signalait le procureur Alik. Le bébé effectuait le voyage avec ses parents à bord de l’embarcation de 7 mètres surchargée : au total, 44 passagers voyagent sur la barque, 17 hommes, 12 femmes et 15 enfants ! «Pour moi, ce n’est pas beaucoup. On peut mettre 50 personnes», explique Issouf, le pilote, à la barre.
-Que se passe-t-il pendant la traversée quand il y a un incident ? demande le président.
-Si la mer est mauvaise, on retourne à Anjouan.
-Et en cas de panne ?
-J’appelle à Anjouan le propriétaire de la barque et des vedettes viennent nous chercher.
Issouf semble de bonne foi, il est même capable de citer, par cœur, le téléphone d’Abdou, l’homme à qui appartient l’embarcation.
Le pilote savait que le bébé et ses parents étaient à bord. C’est même à cause des problèmes du petit qu’ils faisaient la traversée : prématuré, aveugle, porteur de nombreuses infections, comme le décrit le procureur Alik, le nouveau-né était au plus mal.
Dans la 2e partie du trajet, le bébé a poussé des cris. La mère a sorti son sein pour le faire téter et ensuite le bébé n’a plus fait de bruit. Issouf ne s’est rendu compte que le bébé était mort qu’après avoir été intercepté par la brigade nautique.
Une 4e interpellation
Le bateau est parti d’Anjouan à 14 heures. Impossible pour Issouf d’affirmer que ce voyage était son premier. Même s’il a pu jouer avec l’imprécision de l’état civil comorien, ses empreintes ne laissent pas de doute : il s’est déjà fait arrêter 3 fois : le 13 août puis le 13 décembre 2013, et enfin le 25 avril 2014. Mais il n’a jamais été jugé, il est toujours passé entre les mailles du filet. Jusqu’à aujourd’hui.
Il affirme n’avoir touché que 100 euros pour faire traverser ses 44 passagers mais aussi du bangué dont au moins deux ballots ont été jetés à la mer à l’arrivée de la brigade nautique.
Issouf semble tout ignorer des drames de l’océan entre Mayotte et Anjouan. A peine a-t-il entendu parler, une seule fois, d’un kwassa qui s’est renversé. Il ne sait pas non plus que de nombreux pilotes de kwassa sont en prison à Mayotte. Lui vient d’y passer une nuit. «C’est la 1ère fois que je vais en prison» et l’expérience l’a traumatisé.
«Je vous demande, si vous avez l’intention de m’envoyer à Majicavo, de me donner un sursis», se défend-il. «Depuis hier, ça a cogité dans ma tête. Ça m’a fait très peur. Laissez-moi retourner chez moi, m’occuper de mon enfant, de mon petit frère et de ma mère. Laissez-moi ma liberté pour rentrer chez moi.»
8 mois à effectuer s’il reste à Mayotte
Le tribunal va, en effet, lui permettre de rentrer chez lui tout en lui faisant passer l’envie de piloter, à nouveau, une embarcation et de mettre en danger tant de personnes.
Il est condamné à 8 mois de prison ferme sans être maintenu en détention. Il a 10 jours pour faire appel avant que la peine prononcée contre lui devienne définitive et donc applicable.
Concrètement, après un retour à Majicavo pour sa libération de détention provisoire, il avait tout intérêt à se signaler à la PAF pour se faire expulser et ainsi retourner à Anjouan. Il a désormais comme obligation absolue, ne plus revenir à Mayotte de quelque façon que ce soit sous peine de partir immédiatement en prison.
RR
Le Journal de Mayotte
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