La gendarmerie a mené une opération de lutte contre l’immigration clandestine hier mardi sur l’îlot Mtsamboro. Faire respecter la loi n’est pas chose facile sur ce bout de terre française face à Anjouan. Le JDM a suivi cette mission aux nombreuses facettes.
Depuis l’embarcation, on devine à peine l’îlot Mtsamboro dans la nuit. Il est 5h20 et depuis une demi-heure, seize gendarmes ont pris place à bord du M’Djabbar de la brigade nautique. Partis de Longoni, les hommes arrivent sur le lieu de leur mission, avec les toutes premières lueurs du jour. Ils vont beacher sur la grande plage ouest de l’îlot.
Ce mardi, ils mènent une opération de lutte contre l’immigration clandestine. Depuis longtemps, on sait que l’îlot est un point de «dépose» de migrants après la traversée en kwassa depuis Anjouan. De nouvelles barques, souvent hors de prix, viennent ensuite les chercher pour rejoindre Grande Terre.
Ces derniers temps, des rumeurs relayées par certains médias évoquaient la naissance d’un véritable village de bangas construit par des clandestins sur l’îlot. Ce n’est évidemment pas le cas mais l’immigration continue de véhiculer son lot de fantasmes.
Deux kwassas arrivés dans la nuit
Sur la plage, les gendarmes se séparent en deux groupes. Le premier prend la direction des crêtes du nord, le second va pénétrer dans la forêt pour remonter vers les sommets du sud de l’îlot. Mais avant de gravir le relief par les chemins boueux ou par les ravines qui déversent encore les restes des fortes pluies de la veille, une première alerte: de nombreuses traces sur le sable témoignent du passage très récent de plusieurs individus. Laissées par des migrants ou de simples pêcheurs, on ne le saura pas. Elles disparaissent dans la végétation particulièrement luxuriante en cette fin de saison des pluies.
L’opération de jour est menée par des gendarmes du PSIG*, de la brigade nautique, de la section aérienne dont l’hélicoptère peut aider à repérer des individus dans la forêt, et des détachements de surveillance et d’intervention (DSI) de Mamoudzou et de Mtsamboro qui interviennent avec leur propre barque.
Pour ces hommes, il est difficile de savoir quelle peut être la meilleure stratégie pour retrouver ceux qui ne veulent pas l’être. Ce mardi matin, la présence des bateaux de la gendarmerie inquiète quelques individus aux abords des plages. Ils remontent vers les hauteurs où les attendent les gendarmes déposés sur l’îlot.
La brigade nautique a repéré au moins 15 personnes se faufilant vers l’intérieur et tentant de se camoufler dans la forêt et les cultures. Ils sont probablement plus nombreux car deux kwassas ont été retrouvés, deux barques qui ont été abandonnées sur les plages.
Quatre interpellations
Le soleil est maintenant bien au-dessus de l’horizon et les gendarmes sur les crêtes vont tenter d’intercepter les fugitifs. Ils ne parviendront à localiser que deux hommes et deux femmes qui ne pourront présenter de papiers d’identité, même s’ils affirmeront habiter à Mtsamboro et être venus travailler dans les champs.
Une telle opération pour 4 interpellations, le résultat peut apparaître relativement faible. «A aucun moment, notre mission consiste à faire du chiffre. Notre rôle consiste simplement à faire respecter la loi», explique le lieutenant Christophe Gassine qui assure le commandement de l’opération sur l’îlot ce mardi matin. Organisé en moyenne deux fois par mois, ce type de mission permet aussi d’assurer une présence des forces de sécurité sur la terre française la plus proche d’Anjouan, et d’envoyer un message aux passeurs sur le risque d’une éventuelle interpellation.
Pas de politique du chiffre, pas d’état d’esprit irrespectueux vis-à-vis des personnes arrêtées non plus. Ce mardi matin, si chacun est dans son rôle du chat et de la souris, il ne règne pas le climat de «rafle» que certains imaginent. «Il n’y a pas cet état d’esprit dans la gendarmerie, précise le Commandant Larroque, l’officier communication de la gendarmerie à Mayotte. «Il y a des gens en grande précarité d’un côté et nous qui sommes là pour vérifier qu’ils respectent la loi. C’est aussi simple que ça.»
Une femme en danger
Si les kwassas sont encore sur les plages, les forces de l’ordre veulent retrouver les bidons de carburants et les moteurs qui ont été cachés dans la nature, tout ce qui pourrait servir à de futures traversées. Quelques jerricans sont récupérés mais pas les moteurs qui resteront introuvables. Peut-être sont-ils déjà repartis vers les Comores?
En fin de matinée, au moment de quitter l’îlot avant que la marée trop basse ne le permette plus, le Mdjabbar va faire un ultime détour. C’est tout le paradoxe de ces missions de répression qui peuvent se transformer en mission de sauvetage. Un couple manifestement en détresse se signale sur une plage. La femme très sérieusement blessée au pied a besoin de soins urgents. Elle a enveloppé ses blessures dans un sac plastique. Elle sera ramenée vers Mamoudzou et hospitalisée au CHM.
Sur le trajet de retour, le Mdjabbar ramène ses 6 passagers supplémentaires et les 2 kwassas arrimés à l’arrière. Une mission de lutte contre l’immigration clandestine de plus, avant tant d’autres.
Rémi Rozié
Le Journal de Mayotte
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