La cour d’assises de Mayotte jugeait l’avant-dernière affaire de la session. L’audience s’est conclue par la confirmation de la peine de 20 ans de prison pour El Anrif. Il était accusé du viol de sa tante, déficiente mentale. Le condamné était en situation de récidive.
Le gendarme qui fut le directeur d’enquête se souvient que l’affaire avait «fortement choqué la population.» Trois ans après, alors que le dossier revenait devant la cour d’assises pour être jugé en appel, il n’a rien perdu de son caractère dérangeant. «L’homme est un immense marécage», disait Kafka. La phrase sera utilisée par Me Catherine Préaubert, l’avocate de la victime, pour entamer sa plaidoirie.
El Anrif est poursuivi pour avoir agressé et violé une personne vulnérable, une personne qui n’était autre que sa tante, déficiente mentale. En novembre 2013, en première instance, il avait été condamné à 20 ans de réclusion criminelle.
Mère de l’accusé, sœur de la victime
Les faits remontent au 9 juillet 2012 à Kaweni. A l’époque El Anrif a 22 ans. A 2 heures du matin, il rentre au domicile familial, saoul et défoncé au bangué. Dans la cour, il glisse et tombe contre le petit banga où dort sa tante, la sœur de sa mère, une petite femme fragile âgée de 36 ans. Le jeune homme se met en colère. Il ouvre la porte du banga, agresse sa tante, la renverse et tente de la violer. Les cris de la victime alertent la mère de l’agresseur qui surgit. Elle attrape son fils et le jette hors du banga. Il prend la fuite.
Les deux femmes sont sous le choc. La mère prévient les pompiers et la police. La victime est prostrée. Elle parvient tout de même à décrire le début du viol, confirmé par une expertise médicale qui relève également des traces de coups sur le visage, des morsures sur l’épaule.
Un homme aux capacités «intellectuelles réduites»
Le jeune homme est interpellé le soir même à Majicavo chez sa grand-mère. «Il est imprévisible monsieur El Anrif», remarque le policier. Le jeune homme tente en effet d’enlever ses menottes et se débat au point de briser la lunette arrière du Duster. Plus tard, il s’enduira de ses excréments avant d’être présenté au juge de la détention et des libertés. «Il a des difficultés avec l’autorité», note l’enquêtrice de personnalité, citant sa tentative d’évasion de la prison de Majicavo ou son passage dans le quartier disciplinaire de la prison de La Réunion dans laquelle il a été transféré. Elle décrit un sujet «frustre», «aux capacités intellectuelles réduites».
Le jeune homme a arrêté l’école en CM2. Bien qu’étant né à Mamoudzou, il ne parle ni ne comprend le français. Dès l’âge de 13 ans, alcool, tabac et cannabis sont devenus son quotidien ainsi que toutes les formes de la petite délinquance. Sa mère est triste : «Il n’écoutait personne, il n’en faisait qu’à sa tête», explique-t-elle.
Récidive
Condamné deux fois pour vol avec violence, son parcours prend un tour sordide avec une condamnation à 5 ans d’emprisonnement dont 3 ferme pour l’agression sexuelle d’une fillette de 8 ans. Il venait de sortir de prison… 2 semaines avant d’agresser sa tante. Il est donc en état de récidive lors de cette dramatique nuit du 9 juillet 2012.
Me Préaubert prend la parole au nom de l’association Tama qui a désormais la responsabilité de la victime. La femme a été placée sous tutelle depuis les faits. «Je demande une application ferme de la loi, plaide-t-elle, stupéfaite qu’El Anrif n’ait exprimé aucun regret. S’il est remis en liberté, dans les 15 jours qui suivront, que ferait-il ?»
L’interrogation est la même pour l’avocat général Ampuy qui demande la confirmation de la peine de 20 ans prononcée en novembre 2013 lors qu’en situation de récidive, l’accusé risque la perpétuité.
Besoin d’être soigné
Me Erick Hesler, l’avocat de l’accusé, pointe les expertises médicales moins claires que d’habitude pour établir un viol. Il dénonce aussi l’attitude de la société vis-à-vis d’un jeune qui «dans un département qui fonctionnerait normalement» aurait été pris en charge par des services sociaux. Car pour lui, pas de doute : El Anrif mériterait lui aussi d’être placé sous tutelle : «Le mettre 20 ans en prison, c’est la solution de facilité. Pendant 20 ans, on sait qu’il n’agressera personne mais c’est compromettre la suite. Il a, avant tout, besoin d’être soigné, d’être pris en charge.»
«20 ans, ça fait beaucoup. Je ne l’ai pas tuée», a dit El Anrif comme ultime défense.
Finalement, la peine sera donc effectivement de 20 ans auxquels s’ajoutent 5 ans de suivi socio-judiciaire à sa sortie. Oui, c’est beaucoup, mais c’est la peine pour le viol d’une femme fragile, en situation de récidive.
RR
Le Journal de Mayotte
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