La mobilisation ne fut pas au rendez-vous de ce qui devait être le baroud d’honneur face à la détermination du gouvernement. Une indexation acquise néanmoins, et dont il faudra surveiller les effets pervers à Mayotte. C’est la rage dans les yeux que la petite centaine de manifestants a constaté les dégâts occasionnés par la scission au sein de l’Intersyndicale. Alors que l’appel à manifester ce jour devait servir de soupape de sécurité pour éviter une paralysie des examens du bac la semaine prochaine, tout en maintenant une pression d’un taux à 53% sur le gouvernement, l’absence de plusieurs leaders de syndicats départementaux, ainsi que de branches a jeté le trouble !
« C’est Mayotte qui abandonne son avenir au profit de l’égoïsme ! » se lamentait une manifestante CFE-CGC du Centre Hospitalier de Mayotte. Car les enseignants du second degré sont accusés d’avoir joué perso en décidant finalement d’accepter les propositions du gouvernement. La déception est d’autant plus forte que certains syndicalistes n’ont pas eu peur du paradoxe en appelant les parents d’élèves à se joindre à leur mouvement ce jeudi, « pour éviter la paralysie des examens ! »… Peu importe le statut de chômeurs ou de non fonctionnaires desdits parents. Et le 1er ministre enfonce le clou en entérinant le montant arrêté lundi 10 juin : ce sera 40% sur 5 ans. 40%, « le même taux que les autres départements d’Outre-mer » ainsi que le rappelle le communiqué de presse reçu des ministères de la Réforme d’Etat et de la Fonction publique, et de l’Outre-mer. Port Saïd Ansiffoudine, FSU SNUIPP, en convient, « mais à La Réunion, l’Etat met la main à la poche pour que le taux atteigne 53% dans la fonction publique d’Etat ».
Un acquis rétroactif et progressif
Les cabinets de Marylise Lebranchu et de Victorin Lurel, rappellent que cet acquis est rétroactif au 1er janvier 2013 et sera progressif sur 5 ans, pour atteindre 40% de sursalaire en 2017. Le rythme de la mise en place n’est par contre pas précisé par le gouvernement… alors que l’Intersyndicale résume « 5% les deux premières années, et 10% sur les trois autres ».
« Un bilan de la mise en œuvre de la majoration sera effectuée à mi parcours en 2015 » signale-t-on du côté des ministères concernés. L’indexation génératrice d’injustices Mercredi, une intervention opportune du directeur de la Banque de France, remettait en cause le procédé même d’indexation des salaires outre-mer, « vecteur de vie chère par l’élévation des prix qu’elle génère ». Télescopée ou non, cette sortie n’est pas un scoop, et la remise en cause de l’indexation est récurrente.
A la fois censée rendre attractif un territoire, et à la fois pensée pour combattre le différentiel de prix avec la métropole, le système peut tendre vers un effet pervers. En effet, l’inflation, toujours plus élevée à Mayotte, par exemple, qu’en métropole, est provoquée par une insuffisance de biens au regard de la demande ou par rapport à la masse monétaire. Lorsque cette monnaie arrive en nombre, et c’est le cas avec l’indexation, les prix augmentent, appauvrissant ceux qui ne sont pas salariés. Or à Mayotte, environ 35 000 personnes seulement sur 212 000 habitants sont en situation d’activité salariée, contre 51% d’inactifs (personnes en âge de travailler sans emploi).
Avec l’indexation, la garantie offerte à certains l’est donc au détriment des autres. De plus, nous avons déjà vu que les fonctionnaires ne seront pas égaux face à l’indexation, les collectivités locales ayant du mal à la budgétiser. On comprend alors que des divergences puissent exister au sein même des fonctionnaires et à fortiori, avec la population. L’attractivité du territoire étant en jeu puisqu’il manquera mille enseignants dans le secondaire en septembre 2013, on comprend que le gouvernement applique cette indexation, mais il faudra sans doute davantage à Mayotte qu’ailleurs, en surveiller les effets néfastes.
A.L.
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