S’en souviendront-ils comme d’une grande première les habitants de l’île, futurs visiteurs ? C’est possible. Car ces Journées de l’Archéologie vont se dérouler ce week-end dans un lieu spécial, celui de la préfiguration du musée de Mayotte, dans la Caserne de Petite terre qui jouxte la Légion Étrangère. Une petite première, donc.
Le site fera office de musée pendant les années de chantier que demandera la réhabilitation de la Résidence du Gouverneur, sur laquelle le ministre de la culture Frédéric Mitterrand avait jeté son dévolu.
« Cette ouverture nous permet de tester le lieu pour la future préfiguration du musée, et de former et d’informer les futurs agents à la médiation sur ces expositions. Ils viennent de commencer avec les scolaires. Car c’est malgré tout une première pour Mayotte », commente entre l’accueil de deux classes, Chloé Lesschaeve, à la Direction des affaires culturelles de la préfecture.
C’est sûr, l’exposition proposée n’est qu’un petit embryon du potentiel que nous avait dévoilé Ben Saïd Abdoul Karim et qui va s’exposer à la Caserne de Petite Terre, mais c’est un début. L’homme refuse d’ailleurs de s’engager sur une date ferme. Les vitrines et panneaux dévoilent comme l’année dernière au Comité du Tourisme, les trésors des fouilles d’Acoua et Dembéni. Et ont été enrichis.
« A qui sont ces objets ? »
« Nous exposons bien sûr les objets découverts sur la nécropole d’Antsiraka Boira, à Acoua, qui nous aident à raconter l’histoire du peuplement de Mayotte. A partir de là, nous interrogeons nos visiteurs. Pourquoi tous ces objets à côté des défunts, alors qu’à Mayotte la coutume n’est pas la même lors des enterrements ? »… Nous ne sommes plus dans les musées aux maquettes poussiéreuses de nos grands-pères, aujourd’hui, le visiteur est questionné, provoquant une interactivité qui doit l’aider à s’approprier son Histoire. En l’occurrence celle d’un peuplement malgache quasiment généralisé de l’île.
Les enfants des écoles de Boboka à Arc en ciel en passant pas les collèges n’y ont pas coupé : « à qui sont ces objets ? », interpelle Chloé Lesschaeve, « ils sont à vous, ils sont votre histoire et sont sous vitrine parce qu’ils sont précieux ».
Petits et grands sont interpellés sur la prospérité des habitants de Dembéni, « c’était très certainement un comptoir commercial au Moyen-Age, entre la côte africaine et le Moyen Orient, qui importait vraisemblablement du cristal de roche malgache. Nous avons aussi trouvé un dépotoir avec des fragments de porcelaine chinoise du 12ème siècle ».
Découverte de l’archéologie
Notre guide aux yeux bleus s’envole d’une vitrine à l’autre, en dévoilant les reconstitutions par des couturières d’une tenue brodée avec les perles similaires à celles trouvées à Acoua, « notre rôle à la DAC est de former les Mahorais à prendre le relai ».
C’est plutôt réussi si l’on écoute Roukia, animatrice-médiateur du Conseil départemental, envoyée dans les mairies de Petite Terre : « je suis déjà allé visiter des musées en métropole, mais ici il n’y avait rien, alors que nous avons beaucoup de choses à garder. La plus importante pour moi tient dans la transmission orale de notre patrimoine immatériel, dont ledébah », et elle prend déjà plaisir à transmettre, « surtout lorsque j’ai vu l’air ébahi et réjoui des collégiens de Labattoir 6 qui découvraient l’archéologie. »
L’inauguration de cette fête nationale de l’Archéologie, c’est ce samedi à 9heures*. Les scolaires en tout cas l’ont déjà testé. Avec des activités appropriées, puisqu’ils malaxent quelque chose qui leur semble être de la pâte à modeler, « ça sent la terre ! », avant de produire des objets en terre cuite, tandis que d’autres s’échinent à fouiller leur carré à la recherche d’un éventuel objets qui pourrait parler de son époque.
Le travail avec l’école de Tsimkoura fait d’ailleurs l’objet d’un reportage dans le mensuel national “Arkéo Junior”.
« Beaucoup d’entre eux n’ont jamais fait de sorties scolaires, et l’idée même de prendre la barge ensemble, pour ce rendre dans ce futur musée, et enfiler des perles sur un fil à la mode du Moyen-Age ou de produire des objets en terre, les plonge dans l’étonnement et leur laisse un grand sourire sur le visage », s’enthousiasme Chloé Lesschaeve, qui leur explique à tous ce qu’est le patrimoine, « ça vient de ‘père’, c’est ce que le papa transmets à son fils ».
Elle aura déjà elle aussi beaucoup transmis.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*Cliquer pour voir le programme :
Inauguration à 9h à la Caserne de Dzaoudzi en présence des officiels, Exposition avec projections et animations pour petits et grands les Samedi 20 et dimanche 21 à 9h, et conférence le samedi 20 juin à 15h, « L’archéologue ne cherche pas des trésors mais des connaissances ».
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