C’est un feuilleton à épisode. Après bien des atermoiements, et que trois préfets successifs se soient passés frileusement le témoin, le projet Aqua-Mater du sulfureux Pastorelli vient d’être retoqué. Il est prié de revenir avec des éléments solides, et surtout dans un esprit « partenarial »… L’homme d’affaires va déposer un recours. Retour sur cet insoutenable suspens.
Il en aura usé depuis 2011 des bancs de la salle d’attente de la préfecture de Mayotte, Jean-Claude Pastorelli. Le toujours potentiel booster de l’aquaculture mahoraise, qui avait racheté Mayotte Aquaculture à la famille Charvoz, avait de grandes ambitions d’expansion. Le dossier de Aqua-mater aura été examiné par pas moins de trois préfets, Thomas Degos, Jacques Witkowski et Seymour Morsy.
C’est donc ce dernier et son administration qui aura tranché : un certain nombre de critères « qui ne peuvent être approximatifs au regard du fort potentiel de cette filière d’avenir », ainsi que des éléments techniques reçus par les services de l’État (qui) restent, à ce jour, insuffisants ou incomplets malgré les nombreuses demandes formulées », auront fait pencher la balance vers un dessaisissement du dossier des services de l’Etat, validé par un arrêté préfectoral publié ce vendredi 19 juin 2015.
C’est un coup de tonnerre chez les poissons d’élevage dont le volume devait dépasser les 2.000 tonnes par an.
Préserver le lagon
Une demande d’autorisation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) en aquaculture marine près de l’îlot Mtsangamboua avait été déposée en 2013 par la société Aqua-Mater. Son initiateur, Jean-Claude Pastorelli, au profil niçois proche de Jacques Médecin, comptait développer ce secteur prometteur à Mayotte : lancer l’écloserie de l’océan Indien, initier des ateliers de transformation du poisson, le tout exporté par un affrètement spécial par avion-cargo.
Une ambition qu’il conditionnait à l’obtention de subventions et en s’appuyant sur les fonds européens : aidé à 80%, le projet initial demandait 5 millions d’euros à l’Etat, les fonds européens prenant le relai.
Le Schéma Régional de Développement de l’Aquaculture avait déjà mis un coup de semonce en plafonnant à 1 000 tonnes par an la production de poissons d’élevage, pour préserver le lagon.
D’autre part, l’un des poissons élevés à Mayotte, l’ombrine n’est pas endémique de notre île, et, élevé en quantité, pourrait conduire au syndrome de la perche du Nil, du nom de ce poisson introduit par les Anglais dans un lac Victoria surexploité et où il a supplanté toutes les autres espèces.
« Au contentieux s’il le faut »
Ce secteur, déjà abondamment subventionné par l’Etat et le département, avait déjà fait les frais de gestions antérieures trouble, avec notamment une forte mortalité d’alevins chez Aquamay il y a quelques années. Les choses semblent être rentrées dans l’ordre, la préfecture y avait mis son nez.
Jean-Claude Pastorelli, lui, attendait toujours un aval des fonctionnaires de l’Etat qu’il commençait à critiquer ferme, « ils ne viennent que pour leur carrière », se plaint-il. C’est peu de dire que la nouvelle l’aura irrité : « les faits sont têtus et moi aussi ! Nous allons faire un retour gracieux contre cette décision, et nous irons au contentieux s’il le faut », indiquait-il vendredi au JDM.
L’Etat ne ferme officiellement pas la porte au Niçois, ni à l’avenir de l’aquaculture : « Au cas où la société Aqua-Mater déciderait de déposer une nouvelle demande au titre de l’ICPE, un travail partenarial devra nécessairement être entrepris en amont entre les services de l’État et le porteur. Le dossier sera instruit avec tout l’intérêt et l’attention nécessaire que requiert un tel projet en réponse aux enjeux de l’aquaculture pour le territoire. »
Un éclairage devrait être donné sur ce secteur lors de la conférence donnée par les scientifiques du CNRS ce mardi.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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