L’entrée de Servair, numéro 3 mondial de la restauration de l’aérien, dans le capital de l’entreprise familiale Panima. Le secteur devrait rapidement se recomposer autour de cet acteur désormais hégémonique, une place acquise au fil d’une gestion rigoureuse.
Pour Panima basée à Ironi Be, le rachat de 51% de son capital par la société Servair, numéro 3 mondial de la restauration et des métiers de la logistique dans le transport aérien, c’est la consécration. Pour les familles mahoraises qui gardent 49% du capital et donc une minorité de blocage (fixée à 36%), c’est l’assurance de percevoir des dividendes jusqu’alors patiemment et intégralement réinvestis dans la société. Pour la direction de Panima, c’est la reconnaissance d’une gestion rigoureuse, «un métier de centimier», dit un fin connaisseur du dossier. Enfin, pour Servair, c’est la garantie de travailler avec une structure sérieuse sur un nouveau territoire et peut-être bien plus.
Car cette histoire industrielle n’est pas une lubie, un coup d’éclat sans lendemain. C’est l’aboutissement de longues négociations, entamées voici presque 3. Comme l’indiquait FMM jeudi, la signature a été réalisée la semaine dernière. Et c’est donc le lancement d’un véritable «partenariat» réfléchi, qui démarre pour au moins 5 ans. Car Servair a signé pour une société… et ses équipes. Le géant mondial versera donc de façon factionnée leur dû aux actionnaires au fil des 5 premières années, une façon de s’assurer que le personnel et les actionnaires qui ont fait le succès de la société ne s’évaporent pas dans la nature.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Panima parvient à faire le poids face à Servair, chaque société apportant dans la corbeille de l’association des savoir-faire très utiles à l’autre. Servair amène évidement son expertise dans l’aérien, des métiers qui ne s’improvisent pas. Panima qui travaille déjà avec Ewa l’a bien compris.
Pour changer de taille et être en mesure, par exemple, de répondre aux besoins de la ligne directe Paris-Mayotte d’Air Autral dans un an, Panima devra se doter d’une base logistique près de l’aéroport, des matériels et des personnels formés pour travailler dans la zone aéroportuaire et des centres de fabrication et de stockage parfaitement réfléchis car le catering, ce sont des repas mais aussi des boissons et du duty free dans l’avion. C’est le métier de Servair.
Les perspectives de la restauration scolaire
Pour le géant mondial, Panima amène ses équipes, sa gestion rigoureuse et un métier qu’il ne connaît pas et qui l’intéresse fortement: la restauration scolaire. A l’heure actuelle, Panima assure 35.000 repas sous différentes formes dans les écoles, avec des budgets minuscules, compris entre 1,26€ pour des collations et 1,96€ pour des repas avec des éléments chauds.
Ces budgets, quasiment uniquement financés par la CAF (alors qu’ailleurs les mairies et les parents contribuent permettant, par exemple à La Réunion, de faire monter le prix d’un repas au-délà de 6 euros), ne peuvent assurer que quelques centimes de marge pour l’entreprise et encore, à condition de gérer parfaitement chaque maillon de la chaîne et particulièrement les approvisionnements.
Servair saisit donc une opportunité de découvrir un nouveau marché qui pourrait bien lui ouvrir de nouvelles niches dans des pays en développement. Par exemple pas très loin de chez nous, du côté de Maurice, les problématiques de restaurations dans les écoles commencent à se poser, là aussi avec des contraintes financières serrées.
Le nouveau Panima redessine le secteur
Panima est solidement installée sur ses marchés, de la boulangerie industrielle aux produits préparés en passant par la restauration d’entreprise. La société a récupéré par exemple le marché de la cantine de l’hôpital (patients et personnel) avec pas loin de 1.200 repas quotidiens, aux dépends de SRS (société restauration service), dirigée par Ida Nel. Avec l’arrivée de Servair, SRS pourrait bien se faire doubler dans la quête de la diversification dans l’aérien, malgré des contacts avec une autre compagnie mondiale du catering.
Pour se développer dans les activités de l’aérien, Panima a besoin de cuisines et de personnel que pourrait lui apporter SRS. La société qui, en plus de l’hôpital, a également perdu le marché de la restauration de la prison, connaîtrait une phase délicate. S’associer avec Panima pourrait lui permettre de trouver un nouveau souffle.
Au final, Mayotte s’est donc doté d’un champion de la restauration collective alors que les restaurants d’entreprises sont encore à développer (les tickets-restaurants ne pourront pas être la seule réponse à la question des repas des salariés des grandes sociétés). Le champion est assez seul, peut-être un peu trop seul, faute d’autres combattants crédibles. Mais il permet à Mayotte, une fois n’est pas coutume, d’intégrer la stratégie d’un groupe mondial grâce à la qualité et la crédibilité du travail réalisé localement.
Ce sont désormais plus de 5 millions d’euros qui pourraient être investis par la nouvelle entité dans les prochains mois à Mayotte.
RR
Le Journal de Mayotte
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