La directrice générale (et fondatrice) de l’agence régionale de santé océan Indien (ARS OI) part à la retraite. Elle est venue dire au revoir à ses équipes mahoraises et à la population. En 6 ans, les problématiques de santé publique à Mayotte ont bien changé.
Elle ne s’attendait pas à un tel accueil. A son arrivée dans les locaux de l’agence régionale de santé de Mamoudzou, les agents avaient préparé une haie d’honneur pour la directrice générale. Chantal de Singly termine sa mission et même sa carrière ce vendredi puisqu’elle part (presque) à la retraite. Et c’est submergée d’émotion qu’elle a embrassé chacun des agents avant de s’exclamer sous les hourras: «On a réussi ensemble, on a rattrapé l’ancienneté !»
Depuis 2009, les années de services des anciens agents de la DASS sous contrat mahorais passés à l’ARS n’étaient pas reconnues. Paris bloquait désespérément malgré les longues grèves qui avaient émaillé la vie de l’agence. C’est désormais chose faite, «confirmée par le Premier ministre en juin», se félicite Chantal de Singly.
«Je suis vraiment heureuse de terminer comme ça», confie-t-elle quelques minutes plus tard. «Si j’étais partie avant, j’aurais eu le sentiment d’abandonner mes équipes mahoraises qui me sont chères.»
Une ARS pour deux départements
Chantal de Singly est celle qui a créé l’ARS dans notre région et qui a souhaité qu’elle soit à cheval sur les deux départements, avec de nécessaires adaptations réglementaires. «Est-ce que ça tient toujours?» se demande-t-elle. «Je crois que oui. D’autres viendront, faire des bilans, voir comment ça fonctionne»… Elle n’est probablement pas la mieux placée pour avoir un regard critique sur son bébé.
Mais elle se souvient des premières demandes exprimées par les Mahorais: avoir des transports sanitaires privés, installer la dialyse, développer l’hôpital… Un bilan qu’elle peut effectivement revendiquer, comme l’arrivée de l’IRM, le plan santé nutrition ou les contrats locaux de santé signés avec les communes.
La maternité du CHM inquiète
Avec un budget de 160 millions d’euros, le CHM a changé de visage en 6 ans. Bien sûr le nouvel hôpital de Petite Terre est en construction et de nouveaux lits sont ouverts dans les services.
Mais c’est la situation de la maternité qui inquiète Chantal de Singly face à une activité qui repart à la hausse de façon très marquée. «On est sur la question de l’immigration irrégulière et son impact sur l’hôpital. On ne sait pas quoi faire», reconnaît la directrice alors que 58% des naissances sont le fait de femmes comoriennes. «Nous allons regarder quel est le parcours de ces femmes pour savoir si elles sont très nouvellement arrivées ou si elles sont à Mayotte depuis longtemps», précise Juliette Coré, la directrice de l’antenne mahoraise de l’ARS OI. Un besoin d’information pour adapter les politiques publiques.
Développer les données
L’ARS bipolaire continue de développer ses équipes à Mayotte et en particulier sur l’information. Deux statisticiens installés à demeure devraient sortir leurs premières études, une sur le vieillissement pour anticiper les besoins, une autre sur les causes de décès. «Pour nous, les repères ce sont l’espérance de vie à la naissance, les taux de mortalité infantile et maternelle et la «mortalité évitable», les décès dont les taux sont très différents de ceux observés en métropole”, précise Chantal de Singly.
Pour l’hôpital, les projets sont encore nombreux. «Si on arrive à trouver du foncier pour un hôpital psychiatrique à proximité de Mamoudzou, les millions on les trouvera… par contre, il faut trouver des psychiatres», répond-elle ainsi aux critiques face aux constructions d’hôpitaux à La Réunion, un département qui n’a pas de difficultés à attirer les médecins.
L’avenir de Mayotte est aux Mahorais
«Ma déception c’est de ne pas avoir pu faire avancer suffisamment les structures de classes préparatoires pour les études de santé», confie-t-elle. «C’est aussi l’affaire des familles mahoraises qui doivent investir leurs enfants sur ces métiers-là. Il faut pouvoir s’appuyer sur une relève à Mayotte. A La Réunion, on a les 1ers internes qui ont commencé leurs études sur place. Quand nous aurons des Mahorais, nous fixerons les professionnels.»
L’autre point non résolu est le sous-développement de la médecine de ville. Elle reconnaît que le modèle imaginé où les activités libérales allaient se développer n’a pas fonctionné. En cause, la CMU-C qui n’est toujours pas là et l’AME (aide médicale d’Etat) qui n’arrivera pas de si tôt. Même si un centre de santé privé devrait ouvrir à Mamoudzou d’ici à la fin de l’année, l’hôpital va rester encore un moment au cœur du système de santé à Mayotte.
La presque retraite de Chantal de Singly sera encore active pour les 6 prochains mois. La ministre de la Santé lui a en effet confié une mission sur la stratégie de santé pour les Outre-mer, «pour traduire de manière concrète les priorités de chaque territoire». Elle connaît déjà bien celles de l’océan Indien. Elle a encore à découvrir celles de l’Atlantique.
RR
Le Journal de Mayotte
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