Ils le craignaient et ils avaient raison. Les représentants syndicaux FO du groupe de distribution Somaco sont convoqués en vue d’un licenciement. Ce que les syndicalistes nomment «la jurisprudence Sodifram» semble devenue la règle.
Il ne fait pas bon être gréviste dans une entreprise privée mahoraise. Les Somaco qui viennent d’achever un mouvement social de 7 semaines sur un constat d’échec en font l’amère expérience. Alors qu’ils ont repris le travail en fin de semaine dernière sans être parvenus à un accord avec leur direction, trois délégués syndicaux ont reçu une lettre de mise à pied.
Le délégué syndical de l’enseigne Somaco ainsi que ses homologues de Maharadja logistique (titulaire et suppléant) sont également convoqués le 8 septembre prochain pour un entretien préalable en vue d’un licenciement pour faute lourde, selon FO. Ces trois salariés sont également représentants du personnel.
Ce que les syndicalistes appellent «la jurisprudence Sodifram» semble donc devenir la règle à Mayotte : la direction d’une entreprise licencie les leaders syndicaux et représentants du personnel dès que la grève qui agite la société est terminée. Car si ces procédures de licenciements se confirmaient, elles suivraient en effet la méthode utilisée dans un autre groupe de distribution, la Sodifram, contre 5 représentants syndicaux également délégués du personnel.
La Sodifram ouvre la voie
Ils avaient été licenciés fin octobre 2014 après plusieurs conflits particulièrement durs lors desquels grévistes d’un côté et direction et non-grévistes de l’autre avaient battu le pavés, les uns pour défendre leurs revendications, les autres leur droit à travailler.
Et ce sont ces personnes licenciés par la Sodifram qui se rappellent depuis, régulièrement, au bon souvenir des groupes de distribution à Mayotte. Ils avaient en effet été embauchés par Force ouvrière pour créer la structure mahoraire de la FGTA, la branche distribution et commerce du syndicat. Oili Taanlavi Mouhoudoir, un ancien de la Sodifram aujourd’hui secrétaire départemental de la FGTA, était d’ailleurs poursuivi par la Somaco au même titre que les grévistes lorsque l’entreprise a obtenu la levée du piquet de grève.
A la Colas aussi
Depuis, le phénomène semble sur le point de se répéter à la Colas. A la fin du mois de juillet, des salariés du groupe de BTP ont déclenché un mouvement pour soutenir leurs leaders syndicaux au moment où le comité d’entreprise (CE) devait donner son avis sur les procédures de licenciement lancées contre eux.
Car les délégués du personnel ou les représentants syndicaux sont censés être des «salariés protégés», une entreprise ne peut donc pas s’en débarrasser aussi facilement. L’employeur doit d’abord respecter la procédure classique (convocation du salarié à l’entretien préalable mais en énonçant les motifs du licenciement envisagé), puis consulter le comité d’entreprise (un avis généralement négatif) avant que l’inspection du travail ne prenne la décision finale d’autoriser ou non le licenciement.
La peur de la grève
Et déjà, l’effet probablement recherché de telles démarches devient une réalité. La CGT Ma n’a pas réussi à lancer un mouvement chez Bourbon distribution (BDM). Il y a deux semaines, le syndicat souhaitait mobiliser les salariés des différentes enseignes du groupe (Jumbo, Score, SNIE, Douka Be) autour de nombreuses revendications mais le mouvement a fait pschitt. Salim Naouda, à la manœuvre, dénonçait alors les pressions de la direction et les menaces à peine voilées faisant référence à la «jurisprudence Sodifram». Il fustigeait une atteinte au droit de grève, les salariés n’osant plus débrayer de peur de perdre leur emploi.
Menaces réelles ou non, c’est en tout cas cette crainte de mesures de rétorsion qui a conduit nombre de salariés à de ne pas prendre part au mouvement qui n’a duré que 2 jours faute de grévistes en nombre suffisant.
La Somaco est donc peut-être en train de confirmer que cette «jurisprudence» est bel et bien devenue la règle.
RR
Le Journal de Mayotte
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