L’agression de deux agents hospitaliers mobilise le personnel du Centre hospitalier de Mayotte. Une sensibilisation est souhaitée autour de la pratique des autopsies qui provoquent des tensions récurrentes dans la population.
Après s’être concertée, l’intersyndicale des personnels hospitaliers a voté en faveur du dépôt d’un préavis de grève pour mardi prochain, respectant ainsi les 5 jours francs. Décidés à dénoncer l’agression des deux agents ce mardi, l’un personnel bio-médical et l’autre de l’équipe technique, ils souhaitent aussi sensibiliser : «Nous souhaitons que lors d’une demande d’autopsie, les abords du CHM soient sécurisés par la présence de la police nationale, et que seule la famille proche soit admise à l’intérieur du bâtiment», déclare Ali Bangou Attoumani, délégué Force Ouvrière, qui s’était exprimé dans nos colonnes sur la gravité des blessures infligées.
Ce n’est en effet pas la première fois que la population de l’île, habituée à enterrer rapidement ses morts, fait montre d’hostilité lorsqu’elle ne peut pratiquer les rites habituels. La police est d’ailleurs fréquemment sollicitée. C’est un vrai débat de société qui doit s’engager, avec religieux et représentant de la justice. «C’est une méconnaissance de notre religion qui autorise pourtant à ne pas pratiquer les ablutions lorsque le corps est abîmé», confie un soignant.
Mosquée et prières
Le défunt, un jeune connu des services de police et de la prison de Majicavo, dont le corps a été remis à la famille hier au soir, n’aurait en outre pas bénéficié d’une prière à la mosquée dont il dépendait, celle de Mandzarsoua. Ce qui n’est pas anormal pour El Mamouni Mohamed Nassur, le porte-parole du Grand cadi interviewé par Mayotte 1ère : «La prière ne se fait pas obligatoirement à la mosquée, elle peut avoir lieu au cimetière». Il légitimait la pratique d’une autopsie, «autorisée par notre religion.»
Autant de points à clarifier pour apaiser les tensions lorsque la situation se reproduira.
C’est aussi l’avis de François Maury, le tout nouveau directeur général de l’Agence régionale de Santé océan Indien. S’il laisse la primauté de la réaction au directeur du Centre hospitalier, il faisait part ce mercredi matin de son indignation à la suite de cette agression, «un comportement inacceptable», tout en avançant la nécessité d’une médiation, «pour accompagner les familles».
Agression à Mramadoudou
Une enquête est en cours pour déterminer si le jeune s’était effectivement rendu au CHM auparavant comme l’affirment ses proches, ce qui aurait pu alimenter leur colère. «Une première recherche au sein de l’hôpital s’est avérée négative», rapportait un délégué syndical ce mercredi matin.
En tout état de cause, le personnel soignant travaille à flux tendu et compte dénoncer ces agressions, «qui pouvaient se produire aux abords de l’établissement mais jamais encore à l’intérieur», note Ousseni Balahachi, délégué CFDT, incrédule, «nous faire agresser, nous qui accueillons tous les gens dans le besoin ! Ces jeunes doivent prendre conscience qu’un jour ou l’autre, ils auront besoin de nous».
Il dénonce par ailleurs d’autres agressions, sur d’autres centres de soins : «Pas plus tard qu’hier mardi, un jeune, manifestement sous l’emprise de la drogue, a cassé la voiture d’un collègue au dispensaire de Mramadoudou», au sud-ouest de l’île, «heureusement la gendarmerie est intervenue pour sécuriser les lieux».
Un malaise que les personnels hospitaliers, soignants et administratifs, du CHM, de Petite et Grande Terre et des dispensaires, vont porter sur la place publique ce mardi 8 septembre, «de 7 heures à 14 heures. Un service minimum sera bien entendu assuré», annoncent les syndicats.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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