Le groupe communiste du Sénat a déposé un amendement à propos du séjour des mineurs au Centre de rétention administratif (CRA). En l’illustrant de la situation non conforme de Mayotte. Une instrumentalisation pour le sénateur Thani Mohamed Soilihi.
Laurence Cohen, la sénatrice communiste, rappelait mercredi dernier en séance su Sénat sur le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la condamnation dont la France a fait l’objet par la Cour européenne des droits de l’homme le 19 janvier 2012 pour le placement en rétention d’une famille avec deux enfants en bas âge. Et pour trois atteintes, « l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants », « le droit à la liberté et à la sûreté », et « le droit au respect de la vie familiale ».
Elle critique la réaction a minima de la France qui s’est dotée dans la foulée d’une circulaire le 6 juillet 2012 « visant à restreindre le recours à la rétention administrative des familles, parents et enfants, en situation irrégulière en France, (…) mais il ne s’agit que d’une restriction et non d’une interdiction de placer les enfants étrangers en rétention. »
De fait, la Ligue des droits de l’homme s’élève régulièrement contre le non respect de cet arrêt européen dit « Popov ».
98% des rétentions de mineurs à Mayotte
Le groupe communiste s’insurge donc, et critique le champ d’application limitée de la circulaire, « qui ne s’applique pas à Mayotte, considérée par le Gouvernement comme relevant d’une ‘situation territoriale d’exception’. » Une tribune qui leur permet de rappeler la situation dans notre département : « sur les 5.692 mineurs enfermés en France en 2014, 5.582 l’étaient à Mayotte. Ce chiffre alarmant témoigne aussi d’une pratique inacceptable de la préfecture à Mayotte : le rattachement fictif de mineurs à des tiers dépourvus de tout lien légal avec eux. »
Un rattachement arbitraire régulièrement critiqué localement par les associations de droits de l’homme, mais qui ne fait pas assez cas du contexte général de Mayotte selon le sénateur Thani Mohamed Soilihi. Prenant la parole, il déplorait « que l’on invoque, encore une fois, le cas de Mayotte pour appuyer des revendications sans s’intéresser réellement à ce qui se passe sur ce territoire, notamment en matière d’immigration clandestine, me gêne profondément. »
Amendement rejeté
Une instrumentalisation de notre territoire un peu trop facile selon le sénateur mahorais, où sur 374 kilomètres carrés, « sont pratiquées plus de la moitié des reconduites à la frontière. Dans ces conditions, si un droit des étrangers dérogatoire ne s’y applique pas, comment faire pour mettre un terme à une pression migratoire insensée ? »
En clair, l’Etat est coincé entre l’expulsion interdite de ces mineurs, et les laisser séjourner sur le sol Mahorais, au risque de créer un réel appel d’air, et de les retrouver en errance dans la rue, grossir les rangs des 3.000 enfants en souffrance déjà présents.
Thani Mohamed appelait à arrêter « d’en tirer argument pour justifier de dépôt de tel ou tel amendement ! ». Auquel il s’opposait donc. Un amendement qui n’est pas passé, d’autant qu’il n’avait pas les faveurs du gouvernement.
La secrétaire d’Etat, Laurence Rossignol, avait en effet souligné le champ restreint de la rétention des mineurs en métropole, touchant « des familles qui se sont soustraites de toutes les manières possibles aux mesures d’éloignement et le cas très rare du placement pour une nuit en vue de prendre un avion tôt le matin. » Elle rajoutait que le Sénat avait déjà exigé dans ce cas des centres de rétention dotés de chambres isolées, adaptées et spécifiquement dédiées à l’accueil des familles.
Avec la possibilité désormais pour l’Etat de prendre en charge les mineurs isolés à Mayotte, ce cadre restreint pourrait s’appliquer peut-être aussi un jour sur notre territoire, il faut l’espérer.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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