La langue de bois est de moins en moins maniée chez les vice-recteurs de passage à Mayotte. L’heure est au diagnostic et à la recherche de solutions. Sans a-priori. Toucher à la fois les parents, les maires, les associations et bien sûr, les enfants, telle est la vertu de la SASPE. Avec la participation, et c’est bien la preuve que les temps changent, des religieux et des madrassas.
Structure du conseil départemental, le Service Accompagnement scolaire et Partenariat éducatif (SASPE) œuvre sur 54 sites à Mayotte, « mais nous sommes loin de répondre aux besoins », reconnaît Soibahadine Ibrahim Ramadani, président du conseil départemental, qui rappelle que le cadre de travail est la Loi de refondation de l’école de la République, ajouté du nouveau socle appliqué à la rentrée 2016.
Les acteurs du SASPE étaient réunis ce samedi matin dans l’hémicycle Younoussa Bamana pour signer des partenariats, et poser le contexte.
Nathalie Costantini, la vice-recteur de Mayotte, faisait remarquer que l’outil SASPE devait être partagé : « Nous devons travailler ensemble, il n’y a pas de concurrence, l’enfant pour se construire doit passer par tous les partenaires. » Car les outils sont proches, voire les mêmes entre le département et l’Education nationale : aide aux devoirs, apprentissage des langues vivantes, pratiques sportives et champ culturel. Une vice-recteur qui invitait, ce ne fut pas toujours le cas par le passé, les madrassas, les écoles coraniques, « qui peuvent apporter leur soutien à la réussite du défi de l’éducation. »
Les maires concernés
La déléguée du préfet à la politique de la ville Violaine Pauline-Lempereur, interpellait les communes, « vous êtes à la fois nos interlocuteurs et nos partenaires. » Si le président de l’association des maires, Said Omar Oili était absent de ce plateau bien pourvu, son représentant, Mohamed Moindjee, rappelait que plusieurs réunions de terrain avaient déjà eu lieu en présence d’élus locaux concernés. Une petite dizaine d’entre eux signait d’ailleurs les conventions de partenariats tripartites avec le conseil départemental et l’Education nationale.
Sur le terrain, cet accompagnement scolaire suit quatre axes, rappelés de manière concrète par Pascal Ferrié, Coordonnateur départemental de l’accompagnement scolaire : « face aux résultats médiocres, aux conditions peu propices au travail pour les élèves qui n’ont pas toujours l’électricité, et des parents peu impliqués, il fallait mettre en place un dispositif d’accompagnement scolaire et éducatif pour les élèves du CM2 au lycée, et former les parents d’élèves ».
Former les intervenants, le personnel sociaux-éducatif, les impliquer et produire des connaissances territorialisées, « avec notamment l’Université de Rouen », sont les trois autres axes de travail.
« Pourquoi lire ? »
Le principal du collège K1, Didier Pieulat, évoquait le dispositif mis en place au sein de son établissement, l’école de la famille « qui propose à la fois un accompagnement scolaire de l’enfant mais en présence des parents qui peuvent ainsi comprendre l’organisation scolaire, et l’école des parents, une centaine y sont inscrits. »
Le témoignage des cadis était sollicité et c’est Elmanouni Mohamed Nassur, le porte-parole du grand-Cadi qui rappellera le rôle primordial du savoir dans l’islam : « c’est l’ange Gabriel qui a notamment amené le prophète vers la lecture ». Suivi par le représentant d’une des plus grosse madrassas de l’île, école coranique, qu’il préfère appeler « école de vie », avec ses 500 enfants à Sada : « des enseignants et des étudiants viennent les accompagner scolairement, et nous avons noté que certains réussissent ainsi mieux leurs études. »
Enfin, c’est le chercheur linguiste Mlaïli Condro, qui mettait en garde contre les comparaisons hâtives, on suppose avec la métropole et les autres DOM, « elles induisent des transpositions tout aussi hâtives. Il faut avant tout s’interroger sur la place de l’éducation à Mayotte, de l’histoire de l’école française à Mayotte. »
Il relevait une forte incompréhension en matière de lutte contre illettrisme : « il faut se demander ‘pourquoi lire ?’ Ça relève d’une évidence, et c’est conseillé par l’ange Gabriel, mais est-ce parce que c’est bénéfique ? Salutaire ? » Une réponse semble inévitable et un bon point de départ si l’on considère que peu de Mahorais, même à des postes clés, ont lu des ouvrages de référence. L’objectif à atteindre avec la lecture est en effet à interroger. « Il faut mettre l’écrit au centre pour réussir », concluait le chercheur.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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