La Cour des comptes nationale publie un rapport thématique consacré à la départementalisation de Mayotte. Elle est sévère sur sa mise en œuvre et appelle à des actions de l’Etat et des collectivités. Chacun dispose désormais d’un constat sans fard de la situation.
La France a dépensé 889 millions d’euros pour notre département en 2014. Voici la première information que contient le rapport de la Cour des comptes sur la départementalisation de Mayotte rendu public ce mercredi. Cet «effort global» est «en augmentation sensible», il n’était en effet que de 680 M€ en 2010. «L’État paraît ainsi engagé dans une logique de rattrapage avec les autres départements d’outre-mer», note la Cour mais «sans l’avoir réellement programmée en termes budgétaires», regrette-t-elle.
Sur 164 pages, elle revient en détail sur la situation de Mayotte, un premier bilan de la période 2010-2014 dans de nombreux domaines : finances, démographie, immigration (un «défi spécifique»), équipement, éducation, politique sociale… Tout y passe (nous aurons l’occasion d’y revenir en détail) sur fond de mise en œuvre d’une départementalisation sur laquelle la Cour des comptes porte un regard très critique. Le propos n’est pas de remettre en question ce choix politique mais bien d’analyser sa concrétisation : pour la Cour, «cette départementalisation rapide a été mal préparée et mal pilotée».
Des préalables non réalisés
Et pourtant, le rapport relève qu’un travail avait été effectué en amont, dès 2008, pour identifier des réformes qui auraient dû constituer des «préalables». Mais ces réformes rassemblées dans le «Pacte pour la départementalisation» n’ont pas été effectuées «en temps voulu», notamment concernant l’alignement de la réglementation et de la législation applicables, le passage à la fiscalité de droit commun ou les problématiques foncières.
Perfide, la Cour note que «l’identification des bases comme des redevables de la fiscalité directe locale (en particulier la taxe d’habitation) n’est pas achevée» et que «l’application à Mayotte des textes législatifs et réglementaires souffre de retards importants»… Sans parler du département : il «n’a pas encore atteint le niveau d’organisation et d’efficience nécessaire pour prendre en main l’ensemble de ses compétences», relève le rapport.
Identifier des priorités
Avec le plan «Mayotte 2025», l’État a certes prévu des actions mais «elles font partie d’un ensemble plus large et peu hiérarchisé de besoins identifiés». Pour la Cour, le temps est venu pour le département comme l’Etat de «dresser des priorités claires et entreprendre sans délai la mise en œuvre des mesures appropriées.»
Elle cite en particulier les besoins «d’infrastructures de base» (eau, assainissement, habitat, constructions scolaires) et les «problèmes sociaux que connaît l’île, dont l’aide sociale à l’enfance, et le chômage que la Cour chiffre à «plus de 36%».
«Dans le domaine social et éducatif, la Cour observe que l’aide sociale à l’enfance, la montée en charge du RSA et les besoins en matière d’enseignement et de constructions scolaires sont primordiaux et nécessitent une attention particulière».
Inquiétudes sur les finances locales
Enfin, sur l’aspect financier, la Cour est inquiète. Les collectivités mahoraises avaient «mal anticipé» le passage à la fiscalité de droit commun qui constitue pourtant «un profond bouleversement». «Le schéma de financement du Département et des communes» est «inachevé» en particulier autour de la question de l’octroi de mer et les collectivités «n’ont pas de visibilité sur leur financement futur.»
Au final, la Cour des comptes parle de «la gravité» des enjeux auxquels le département de Mayotte est confronté. Elle souligne «l’état d’impréparation» dans lequel se trouve le département «pour assumer ses nouvelles compétences, alors qu’il n’exerce déjà pas ses missions de manière satisfaisante. Elle recommande au Département et à l’État de mettre en œuvre, de manière concertée, organisée et progressive, les réformes qu’elle a identifiées comme nécessaires».
Didier Migaud, le Premier président de la Cour des comptes présentait ce rapport à la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale ce mercredi en fin de matinée à Paris. Les élus de la représentation nationale comme l’Etat ne pourront plus dire qu’il ne savent pas précisément où nous en sommes.
RR
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