En adressant ses vœux à ses administrés, Harouna Colo n’a pas fait dans la demi-mesure. Tout d’abord parce qu’il s’est longuement expliqué sur les choix politiques des actions entreprises, mais aussi parce qu’il proposait une nouvelle offre de soins.
Le soleil agressif de ce samedi après-midi à Mtsamboro n’aura pas fait fléchir le maire MDM Harouna Colo, qui, abrité sous un parapluie, a entamé un bilan détaillé de ses actions, se justifiant au passage sur des points qui faisaient débat. En présence du sénateur Thani Mohamed Soilihi, de Mohamed Sidi, 6ème vice-président du département, Chargé de la Coopération décentralisée et des Affaires européennes, du président de l’association des maires Said Omar Oili, de deux maires de la future intercommunalité, Soulaimana Boura (Bandraboua) et Ahmed Daroueche (Acoua), et du maire de Kani Kéli, Soilihi Ahmed, « mon beau-frère », glisse-t-il.
2015, « une année douloureuse pour notre pays », le maire revenait sur les « actes de barbarie » qui ont endeuillé le pays : « Les 7 janvier et 13 novembre sont des dates inscrites dans la mémoire collective. En un an, le terrorisme a bouleversé nos certitudes. Surtout qu’il ne s’agit pas toujours de fanatiques isolés, mais de citoyens qui ont parfois grandi dans des familles respectables, avant de manifester une détestation féroce pour les valeurs de la République que nous partageons au quotidien. » Les 10.000 kms qui séparent Mayotte de Paris n’empêchent pas « de rester vigilants et d’avoir une pensée pour les victimes ».
La commune avait été touchée par le cyclone Hellen en mars 2014, et les aides exceptionnelles de 1,4 million d’euros du conseil départemental, et 700.000 euros du Fonds de Secours de l’Etat, ont permis de refaire une partie des voieries, et du stade de foot. Les travaux de réfection des caniveaux ou de mini-station d’épuration, ont été financés par la Ligne budgétaire Unique de l’Etat, alors que les fonds propres de la commune ont été essentiellement consacrés à l’éclairage public.
« Pas de détournements de fonds »… en trois langues
Trois écoles primaires ont été rénovées grâce à la dotation spéciale construction scolaire de l’Etat (238.000 euros), et les associations ont été soutenues, en particulier pour participer au tournoi international de volley à Besançon. Enfin, c’est la première commune à avoir « modernisé ses flux financiers par dématérialisation » vers le comptable public.
Au cœur des actions envisagées en 2016, la jeunesse, qui peuple la moitié du territoire : un dossier est constitué pour bénéficier des fonds Horizon bleu de la Fédération française de Foot, et des mini bus de 9 places ont été achetés pour chaque club des trois communes. Le stade n’est pas encore sécurisé, « les financements prévus sont disponibles et pas détournés », croit bon d’ajouter le maire qui se justifie en shimaoré et kibushi pour plus de clarté. Une rallonge serait nécessaire pour stabiliser le sol avant de terrasser. Une crèche devrait pouvoir ouvrir en 2017.
La culture est souvent l’oubliée des politiques communales à Mayotte. Pas à Mtsamboro qui programme cette année une 1ère édition de la semaine culturelle, et envisage une médiathèque en face du collège d’Hamjago. Même recherche de financements pour un plateau polyvalent, une Maison familiale et une Maison de l’Agriculture.
« Rompre l’isolement sanitaire »
C’est en 2016 que doivent aussi fleurir les dernières intercommunalité. Il manquait ce samedi le maire de Koungou au tableau de la future interco Nord.
La commune n’est pas sous contrôle budgétaire, ce qui permet à Harouna Colo d’annoncer sans pâlir la poursuite de l’évolution de l’indexation qui est de 35% depuis le 1er janvier à Mtsamboro, soit 5% de plus que dans l’Education nationale.
Mais l’événement de ce samedi, c’était l’ouverture de la maison de santé, autour d’un médecin, Souleymane Sidi Aly, que le maire lui-même est parti chercher à Paris, et de trois infirmières. Une décision et un financement communaux, permis par le Code général des collectivités territoriales. « Il fallait rompre la situation d’isolement sanitaire géographique de notre commune par rapport à Mamoudzou. C’est la même démarche qui nous avait incités à ouvrir la maison des services, qui rassemble la CAF, la CSSM et la Mission locale. »
Les habitants pourront donc avoir recours à cette structure privée pour des consultations, des bilans médicaux et de la petite chirurgie ambulatoire. Les prélèvements sanguins seront envoyés deux fois par semaine au laboratoire de Mamoudzou.
« L’assistanat n’est pas là où on l’attend ! »
En écho au discours du maire qui appelait à une coopération avec la PMI (protection maternelle Infantile), les dispensaires et les services médico-sociaux, pour d’éventuels signalements, le docteur Sidi Aly invoquait une nécessaire synergie avec l’existant, « il y a à Mayotte une juxtaposition de ressources humaines, qui font parfois le même travail, et financières qui ne se rencontrent pas ! On reproduit le millefeuille administratif décrié en métropole.»
Une situation qui le pousse même à relativiser le contexte de « désert médical », de 24 médecins libéraux pour une population qui évolue entre 200.000 et 300.000 habitants, on ne sait plus trop : « Je suis seul pour 15.000 habitants, mais il faut aussi compter les dispensaires de la commune à Mtsamboro et Acoua. »
Des habitants qui devront malgré tout débourser de leur poche pour cette offre médicale privée, « mais ils le font déjà ailleurs en payant les 8,50 euros de complémentaire santé, alors qu’en métropole on a assisté à une levée de bouclier lors de la proposition d’une participation forfaitaire de tous à l’euro symbolique. Une preuve que l’assistanat n’est pas là où on l’attend ! »
Fier, le maire a prouvé que les municipalités peuvent s’affranchir : « Nous avons réalisé un projet qui attend habituellement l’aide des services de l’Etat. Une maturité suffisante pour conduire d’autres projets d’intérêt général, et qui doit conduire l’Etat à nous faire confiance. »
Charge à la commune de tout mettre en œuvre pour garder son médecin.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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