L’heure de la préparation du débat d’orientation budgétaire a sonné dans les communes. Pour les aider à anticiper sur la réforme en cours, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a organisé une journée de formation dispensée par Alain Guenguant, directeur de recherche au CNRS-Université de Rennes I.
Sur la cinquantaine d’articles qui composent la loi de finances 2016, celui qui porte sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement est central : « elle va impliquer une modification importante de cette distribution de l’Etat vers les communes à court et surtout moyen termes. »
La dotation globale de fonctionnement (DGF) créée en 1979, est la plus importante contribution de l’Etat aux collectivités, qui se sont partagées 15 milliards d’euros l’année dernière en France. Sa réforme devait entrer en application au 1er janvier 2016, mais un point pose problème et devrait faire l’objet d’une évolution, différant la réforme d’un an.
20 euros par habitant pour les communes rurales
Les trois quarts de cette DGF sont alloués grâce à une dotation forfaitaire, elle-même partagée en trois dotations aux noms évocateurs : la dotation de base, la dotation de ruralité et la dotation de centralité.
Comme son nom l’indique, la dotation de base alloue 75,72 euros exactement par habitant à chacune des communes de France, qu’elle s’appelle Paris, Rochefourchat (la plus petite avec 1 habitant) ou Bandrélé. Mayotte est à ce sujet désavantagée, “nous ne sommes recensés que tous les 5 ans!”, faisait remarquer un DGS. Petite anecdote, on ajoute à la population du dernier recensement, un habitant par résidence secondaire, “et en métropole, les gens du voyage, mais ici vous n’en avez pas?”, s’enquérait Alain Guenguant. Laissant un sourire planer dans l’assistance qui suggérait qu’il y avait bien “des gens du voyage” à Mayotte… Et justement, à rajouter au recensement.
La dotation de ruralité est perçue par les communes… rurales, caractérisées par une faible densité de population, qui reçoivent 20 euros par habitant. A Mayotte, seront bénéficiaires Bandrélé, Kani Keli, Tsingoni, Chirongui, Dembéni, Bandraboua et Mtsangamouji.
C’est la troisième qui pose problème : « La dotation de centralité est à l’origine du report de la réforme », explique l’expert en finances locales. La volonté du gouvernement est de territorialiser les dotations, c’est à dire de les allouer aux intercommunalités (groupements de communes) naissantes, « mais les maires s’y sont opposés ». Paris y est arrivé malgré tout, par un calcul savant, et à impact différé.
99% des crédits à Mamoudzou
Comment s’y sont pris les spécialistes ? En répartissant aux interco puis aux communes, dans un schéma qui va peu à peu léser ces dernières. Ils ont d’abord décrété que chaque interco serait dotée en fonction de sa population, 15 euros par habitant pour les moins de 500.000 habitants, 45 euros pour les autres, « on suppose en effet que les charges de l’intercommunalité augmentent avec leur taille ».
Quant aux communes, ce sont les têtes de pont des interco qui devaient être les mieux dotées, les communes considérées comme « centrales » de par leur population. Un calcul savant mais inégal : « lorsqu’une commune se détache franchement, le partage devenait inéquitable, comme Paris ou Mamoudzou qui captaient plus de 99% des crédits, au détriment des périphéries, comme Dembéni ici. »
Les financiers ont donc décentralisé les décisions en proposant que les interco puissent voter leur propre schéma, ou au pire, décider d’une attribution des dotations en fonction de l’investissement de chacune des communes.
77% des communes ultramarines y perdront
Mais le clou, c’est la contrainte finale : aucune commune ne pourra percevoir moins de 95% de sa dotation de l’année précédente, ou plus de 105%. Une règle reproduite chaque année à l’infini… « En calculant 95% de 95% etc., dans 15 ans, le plancher sera à 50% des montants d’avant réforme, et à l’inverse, à 200% pour les communes au plafond… ».
Pour faire simple, les communes actuellement au plafond auront doublé leur dotation en 2031, quand les autres en auront perdu la moitié ! Notre expert du jour a effectué une simulation : « les 2/3 des communes françaises seront au plancher, elles seront prés de 77% dans les DOM. Et à Mayotte, la seule commune à s’en sortir c’est Koungou. »
La preuve selon lui que les règles dérogatoires ne servent pas toujours nos populations ultramarines (la preuve Koungou ne fait pas partie des communes rurales dotées), et Alain Guenguant répétait ce qu’il avait confié il y a un an au JDM : « les départements d’Outre-mer seraient gagnants en adoptant les règles de droit commun… »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.