Un soir du mois de novembre, Ali gare sa voiture en bas de chez lui, mais le lendemain à 5 heures du matin alors qu’il doit partir travailler, elle a disparu. De leur côté, les policiers de la BAC, la Brigade anti-criminalité, tombent au cours d’une patrouille sur des individus tentant de faire démarrer une Citroën blanche au rond-point du Baobab. A la vue des policiers, ils prennent la fuite, mais l’un d’entre eux est interpellé.
Sur A.A., ils découvrent un tournevis, mais il ne reconnaît pas le vol, « j’ai juste poussé la voiture », indique-t-il. C’est sans doute la même « aide » qu’il a apporté lors d’un autre vol, le mois précédent, d’une Peugeot 306 cette fois, « ses empreintes sont relevées », souligne le juge Banizette.
Mais Ali récupère sa voiture dans un sale état : Neiman forcé, elle est endommagée et prend le chemin de la casse. C’est une grosse perte pour lui. Les experts se succèdent, l’assurance lui versera 800 euros, il en demande 3.000 en se constituant partie civile.
A.A. n’a pas de casier judiciaire, ce qui lui vaudra d’être condamné à 4 mois de prison avec sursis, et à verser 2.200 euros à la victime. Oui mais voilà, A.A. est en situation irrégulière à Mayotte, « je dois vous avertir qu’il a certainement été expulsé aux Comores et qu’il risque de ne jamais vous payer », met en garde le juge. Qui précise qu’existe un fonds d’indemnisation aux victimes, « mais il faut les saisir. »
Une représentante du Bureau d’aide aux victimes est dans la salle d’audience, il va donc directement prendre ses informations. Et apprend que si d’ici deux mois A.A. ne l’a pas indemnisé, ce qui semble fort probable, il pourra constituer un dossier avec leur aide.
Il existe deux fonds nationaux d’indemnisation aux victimes, le SARVI et la CIVI. Ils sont tous les deux financés par un pourcentage prélevé sur nos cotisations d’assurance (voiture, habitation, etc.)
Pour accéder au premier, le Service d’aide au recouvrement des victimes d’infractions, le jugement doit avoir été prononcé. « Si le préjudice est inférieur à 1.000 euros, la totalité peut être versée à la victime, au-delà, c’est un pourcentage », explique Bastwya Ali, Référente du service d’aide aux victimes au sein de l’ACFAV, l’Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes. Alors que chaque tribunal abrite son bureau d’aide aux victimes en France, à Mayotte, l’ACFAV était précurseur.
Les juges n’expliquent pas toujours
Le second fonds, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions, recouvre les victimes d’infractions pénales, « les plus graves donc, comme les atteintes physiques. Dans ce cas, avant tout jugement, on peut demander une provision sur dommages et intérêts qu’on obtiendra plus tard. »
Sur les 600 personnes qui ont saisi le Bureau d’aide aux victimes en 2015, 395 ont ouvert un dossier, « certains sont hors délai, d’autres ne relèvent d’aucun des fonds. C’est le cas lors des accidents de la circulation, où la compétence revient au fonds de garantie automobile, qui ne rembourse hélas pas les dommages et intérêts. » Tous les premiers vendredis du mois se tient une audience du SIVI au greffe.
Ce matin, Bastwya Ali était heureuse d’entendre le juge rediriger la victime vers ses services, « d’un côté les juges n’expliquent pas toujours de manière aussi claire, et d’un autre, beaucoup de victimes ne se rendent pas aux audiences, se privant de cette possible indemnisation. »
Assurant une permanence les mardis et mercredis matins, lors des audiences correctionnelle, le bureau d’aide aux victimes, qui a obtenu un local, voit plus loin, « nous voulons nous étendre au tribunal pour enfants et aux Assises », espère Bastwya Ali.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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