Une Tribune libre d’Ibrahim Aboubacar sur le port qui arrive au moment où le conseil départemental vient d’adresser une mise en demeure à Ida Nel, afin que la présidente de Mayotte Channel Gateway (MCG) respecte les termes du cahier des charges de la Délégation de service public par laquelle elle gère le port de Longoni. Ida Nel que le député ne nommera jamais le long de son écrit, préférant parler de “délégataire”.
Lui qui était président du conseil portuaire lorsque la passation a été effectuée, parle de « naufrage de la procédure DSP ». Il évoque une situation dramatique pour l’image de Mayotte et surtout les salariés, « l’attribution de cette DSP, sur fond de quiproquo originel, à un opérateur économique local, irrationnel, conduit à cette situation de blocage dramatique et ubuesque dont la sortie sera de toute façon désastreuse pour le Conseil Départemental, pour les salariés du port, pour la confiance des opérateurs dans le développement économique de l’île. »
« La responsabilité première de ce désastre incombe au Conseil Départemental (…) qui n’a pas souhaité concéder le port à la CCI », mais « à un opérateur économique privé, local, qui plus est, ayant des intérêts directs dans l’import-export », poursuit le parlementaire.
Nouveau zoom sur le rapport 2013 de la Chambre régionale des comptes
Il évoque la réforme des ports en métropole qui a conduit à l’émergence de Grands ports maritimes, afin de « libéraliser les places portuaires, de mieux y intégrer le secteur privé. »
Indiquant ne pas connaître un dossier dont il a malgré tout eu connaissance en tant que président du conseil portuaire, il fait référence aux rapports sévères de la Chambre régionale des comptes d’avril 2013 et du rapport des la cour des comptes de janvier dernier pour évoquer le choix d’« un délégataire sur la base d’un projet dont la pertinence économique est sujette à caution », « sur la base d’une procédure entachée de nombreuses irrégularités », « avec des risques financiers totalement portés par le Département », « et ce à l’insu des élus du département, puisque la CRC estime que ceux-ci en ont été mal informés ». Un rapport que le JDM a cité de nombreuses fois.
Une ensemble d’éléments qui ne permettait pas de dénoncer la DSP selon la Chambre citée par Ibrahim Aboubacar, « dès lors qu’aucun élément ne vient attester d’une quelconque intention frauduleuse. »
« Dissimulation d’intentions »
Si comme il le rappelle sobrement, la situation de « malentendu », est liée à une mégarde sur le périmètre des missions concédées par le département, il soupçonne MCG de « dissimulation de ses véritables intentions sur l’activité d’acconage, apparue dès janvier 2014 par modification du code APE du contractant et surtout en avril 2015 sur les modalités d’exploitation des grues acquises », et accuse, « Au vu de tout cela, on est autorisé à se demander si ce qui intéresse le Concessionnaire est le développement du Port, y compris par la stimulation de la concurrence, ou bien si c’est la mainmise sur l’activité d’acconage*. »
Il rappelle la situation actuelle : celle d’un chef d’entreprise, Ida Nel, « voulant créer une société d’aconage, utilise sa casquette de délégataire du service public pour expulser un futur concurrent », « lui soutirer ses clients », « auto-agréer sa nouvelle entreprise. Et tout cela dans une opacité totale et au mépris des règles de neutralité du délégataire: voilà un mélange des genres incroyable. Nous sommes en plein dans l’abus de pouvoir condamnable qui laisse augurer de comportements inquiétants dans l’avenir », et qui justifie selon lui la levée de bouclier actuelle.
Des proches d’un haut magistrat
Le député dénonce l’activité actuelle sur le port, puisque le délégataire fait « de l’acconage sans dockers et sur le dos des dockers : il y a là urgence que le Code du Travail traite de ce champ. »
Plus grave, il s’interroge sur « la pertinence de la gouvernance actuelle du Port dans la mesure où ce délégataire peut employer ou avoir employé en deux ans, des proches d’un haut magistrat, d’une personne ayant autorité sur l’exploitation portuaire, ou de plusieurs élus du Département… »
Il évoque un contexte nauséabond, qui « jette la suspicion sur les arbitrages des différentes autorités, portuaires et extra portuaires ayant à départager les protagonistes et au-delà. »
A la suite de ces graves accusations, qui fait craindre, on le rappelle, « des comportements inquiétants dans l’avenir », on aurait pu attendre de la part du parlementaire des propositions de solutions radicales. Il appelle juste que « les conditions de la concurrence de l’acconage sur la place portuaire soient définie une bonne fois pour toute ».
« Car c’est avant tout d’un service public dont il s’agit. Et c’est le portefeuille des contribuables qui est en jeu au final », conclut Ibrahim Aboubacar.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
*manutention
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