En 2008, au collège K1 de Kawéni, on entrait et sortait comme dans un moulin. En 2016, un double grillage et un filtre à l’entrée veulent laisser la délinquance à l’extérieur de l’établissement. Pour les mêmes raisons, le collège de Chiconi ressemble à un bunker depuis le dernier droit de retrait des enseignants.
En réunissant le temps d’une matinée les élèves de 3ème des 4 collèges du secteur de Mamoudzou, Mgombani, Doujani, Passamainty et Kwalé (Tsoundzou), l’association Ankiba Na Maécha a voulu sensibiliser les scolaires à la violence montante. Son coordonnateur, Bacar Ahamadi, a commencé par présenter ses axes de travail depuis 2014, «l’exclusion sociale, la réinsertion et le vieillissement de la population.»
Il est parti du constat que des outils existent mais qu’ils ne sont pas utilisés, et a voulu une réunion de travail avec les jeunes, tous les délégués de leurs classes de 3ème. «Je suis contente de pouvoir échanger sur des sujets dont nous sommes régulièrement témoins», nous explique Raïnia, du collège de Passamainty.
Non-assistance punissable…
Les élèves ont beaucoup interrogé la police nationale, «surtout sur l’intervention de enseignants lors des bagarres hors de l’enceinte du collège, sans soutien ni intervention des parents ou adultes présents», rapporte Bacar Ahamadi. Le capitaine Chamassi répondait aux jeunes, mais n’avait pas autorisation de sa hiérarchie pour parler aux médias, un comble pour un chargé de communication! C’est donc le coordinateur qui nous rapportait sa réponse: «Le capitaine a évoqué longuement la non-assistance à personne en danger qui pouvait amener quelqu’un à la barre du tribunal», et on l’a vu la semaine dernière, avec le risque d’une peine de prison avec sursis.
Chamassi a aussi évoqué les actions mises en place par la police, l’accompagnement des bus scolaires lorsque le besoin s’en fait sentir, «et même la présence d’agents sans uniforme qui patrouillent à proximité.»
Les élèves de Mgombani ont commencé à agir en montant une vidéo sur les violences scolaires, visible sur Youtube, sur leur site du collège de Mgombani.
… Mais la peur de prendre un coup est la plus forte
Après avoir échangé avec le conseiller départemental de Mamoudzou 1 Sidi Mohamed, sur le cadre d’intervention des médiateurs Matis, «sont-ils exclusivement cantonnés à leurs bus ?», un enseignant apprendra que le médiateur doit amener la tranquillité dans le véhicule, mais aussi aux abords, «nous savons qu’ils peuvent encore s’améliorer», avouait l’élu.
Cette matinée est une première pour un rassemblement de scolaires de plusieurs établissements sur cette thématique, «c’est bien que le chargé de communication du vice-rectorat ait pu entendre le ras-le-bol des élèves. Un professeur a dit ‘tout le monde a peur, personne n’agit’. Ils ont peur des représailles», rapporte Bacar Ahamadi.
Son objectif final, c’est de mener une campagne commune avec les médias, «avec un slogan ‘La violence c’est fini, moi j’agis’». Il veut également monter un réseau partenarial avec les chefs d’établissement, la police, les médiateurs, les élus…
Justement, aucun élu communal n’était présent, alors que leur rôle est essentiel.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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