Le conseil des ministres de ce mercredi 6 avril a débattu d’un texte important pour Mayotte, en présentant une ordonnance relative à l’économie sociale et solidaire dans le Département de Mayotte. Il était même temps puisque le Parlement avait le 14 octobre 2015, autorisé le Gouvernement à prendre des dispositions par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation…
L’économie sociale et solidaire (ESS) rassemble les entreprises qui cherchent à concilier solidarité, performances économiques et utilité sociale. L’ESS représente 10 % du PIB en France et près de 12,7 % des emplois privés.
Une avancée dont ne pouvait que se réjouir le sénateur Thani Mohamed-Soilihi, qui avait sensibilisé à la situation mahoraise, l’ancien ministre Benoit Hamon, dont la loi du 31 juillet 2014 relative à l’Economie sociale et solidaire porte le nom. Seul un correspondant régional à l’économie sociale et solidaire avait alors été désigné à Mayotte. Rappelons que c’est l’association Tama, présidé par le sénateur mahorais, qui avait organisé en septembre 2013 un colloque sur l’Économie sociale et solidaire.
« 150 entreprises pourraient voir le jour »
Et c’est à l’initiative du même Thani Mohamed qu’une chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS) était créée en avril 2014, rejoignant les autres régions de France déjà dotées.
Lors de la parution de la loi Hamon, la Dieccte (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), avait alors avancé que son application à Mayotte permettrait de créer 1.000 emplois. Par quel biais ?
Tout d’abord, le Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique et le Secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie, évaluent à 150 le nombre d’entreprises qui pourraient voir le jour, « sous forme d’associations, de coopératives ou de sociétés commerciales dans les trois prochaines années dans des secteurs d’activités diversifiés », tel que : l’aide sociale, les services à la personnes, la culture, l’éducation, l’économie circulaire, l’agriculture et le commerce et transformation alimentaire.
Récupérer le vieil électroménager
Comme le fait remarquer Jacques Launay, Responsable du développement économique à la Dieccte, « il faudra attendre le décret d’application de l’ordonnance. » C’est lui qui va préciser les champs d’application, car certaines dispositions nécessitent « des adaptations de terminologie », quand d’autres (syndicalistes, bouchez vous les oreilles !) doivent s’adapter au code du travail spécifique à Mayotte, tel que l’évoque le compte rendu du conseil des ministres.
Il prend des exemples évocateurs du potentiel énorme permis par cette mesure, et totalement adaptée à Mayotte, comme l’économie circulaire : « En terme de traitement des déchets, une partie peut être réexploitable, comme la remise en état du gros électroménager. La création d’une société de reconditionnement pourrait ainsi générer une activité économique et donc des emplois, tout en réduisant le volume des déchets. »
Petits artisans pourraient devenir gros
Il le confirme donc, « environ 1.000 emplois peuvent être créés dans ce secteur, des aides ménagères, du petit bricolage. » Essentiellement par le biais d’une incitation fiscale : « les employeurs de femmes de ménages non déclarées, les rémunèreront 8 euros de l’heure au lieu de 5 euros, par exemple, mais pourront en déduire environ la moitié de leurs impôts. Ce qui permettra aux personnes vivant actuellement de l’économie informelle, de se déclarer. »
Mais aussi, aux petits artisans de se fédérer en coopérative spécialisée aux services à la personne : « Ça fonctionne très bien en métropole où elles arrivent même à concurrencer les plus gros sur certains marchés. » Plusieurs personnes qui travaillaient à mi-temps, parviennent à décrocher un temps plein en travaillant pour plusieurs sociétés de service à la personne.
Commissions, préparations de repas, garde d’enfants, ménages, repassage, soutien scolaire, petits travaux de jardinages… Un programme qui doit en effet autant créer que régulariser des emplois, donc garantir des droits à la retraite et une protection sociale aux salariés. « Plusieurs entreprises se sont positionnées pour démarrer dès que le texte est applicable », conclut plein d’espoir Jacques Launay. “L’ESS a une ADN mahoraise”, répond en écho Thani Mohamed Soilihi, traduisant un système qui colle à notre réalité.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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