Le bilan du naufrage du bateau malgache intervenu dans la nuit de dimanche à lundi n’a pas évolué depuis hier matin: 10 rescapés, 2 disparus et 5 victimes, trois femmes et deux jeunes filles. Ces migrants étaient partis une douzaine d’heures plus tôt de l’île malgache de Nosy Be sur une embarcation qui n’est en rien comparable aux kwassas en provenance d’Anjouan. Les bateaux qui assurent de telles traversées ont en effet une distance et des conditions de mer bien différentes. Elles imposent de voyager sur un navire relativement robuste.
Il s’agit en général de bateaux de 9 à 10 mètres, traditionnellement utilisés pour la pêche, équipés d’un poste de pilotage intérieur et de moteurs relativement puissants, de l’ordre de 100 CV. C’est d’ailleurs peut-être cette puissance qui a laissé penser au pilote qu’il pouvait fausser compagnie à la la vedette de la douane qui tentait de l’intercepter.
A 2h 40, cette vedette se trouvait à l’arrière du kwassa et tentait de remonter à sa hauteur, bord à bord, lorsque le pilote malgache a tenté une manœuvre qui a conduit son embarcation à percuter celle des douanes. Le choc a eu lieu à l’arrière du bateau, au niveau du moteur et de la zone des pilotes. L’embarcation s’est renversée puis a sombré.
Le pilote a disparu
Il ne sera pas possible de connaître les intentions du pilote et d’en savoir plus sur sa manœuvre. Il ferait en effet partie des deux personnes portées disparues. Il ne pourra donc pas non plus se retrouver face à la justice et être poursuivi pour homicide involontaire, comme c’est le cas dans ce genre de circonstance. «Si son décès est avéré, l’action publique s’éteindra», confirme Joël Garrigue, le procureur de la République.
Pourtant, ce n’est pas lui qui a piloté le bateau durant toute la traversée. Un co-pilote se trouvait à bord et aurait reconnu son rôle lors de ce voyage. S’il ne peut être mis en cause dans le naufrage, il devrait tout de même être poursuivi pour «aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière».
La délicate identification des corps
Reste maintenant le problème humain à résoudre, celui de l’identification des victimes. Elles ne portaient aucun document sur elles et si les rescapés ont pu donner des prénoms et quelques éléments, les enquêteurs ne disposent de rien de suffisant pour établir des identités.
«Quand des bateaux viennent des Comores et que nous sommes confrontés à de telles situations, des associations font le lien entre les îles pour rechercher des proches et identifier les corps. Nous pouvons ensuite les restituer aux familles. Nous n’avons rien de tel lorsque un naufrage concerne des Malgaches», précise Joël Garrigue.
Les gendarmeries française et malgache auraient pris attache pour tenter d’avancer, en partant du point de départ de l’embarcation, Nosy Be, même si tous les passagers ne sont vraisemblablement pas originaires de l’île. Les enquêteurs espèrent aussi que les personnes qui devaient les accueillir à Mayotte, comme c’est généralement le cas avec ce type de traversées, se manifesteront pour fournir des éléments.
Une immigration illégale difficile à viser
Les arrivées de migrants depuis Madagascar représentent une infime partie des migrations clandestines vers Mayotte. Pour autant, les interceptions ne sont plus exceptionnelles, peut-être un signe que les traversées sont de plus en plus courantes.
Mais ces arraisonnements demeurent bien plus difficiles que pour les kwassas anjouanais. D’abord, tout le système de surveillance et de détection est en effet tourné vers les Comores alors que les bateaux malgaches arrivent au sud de Mayotte.
Ensuite, lorsqu’ils sont repérés, le temps de dépêcher un navire intercepteur, les migrants ont généralement déjà «beaché» et se sont disséminés dans la nature.
Existe-t-il pour autant de véritables filières organisatrices de ces trajets ou est-ce que ces traversées se mettent en place de façon opportunistes? Il est à l’heure actuelle difficile de répondre, même si plusieurs dossiers sont déjà entre les mains de la justice à Mayotte comme à Madagascar.
Ce naufrage serait le second de l’année aux abords des côtes mahoraises. Le 3 février dernier, au moins trois personnes avaient perdu la vie à proximité de l’îlot Mtsamboro.
RR
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