A la barre ce mercredi, deux hommes avec des casiers judiciaires vierges. L’un est accusé « d’entrée irrégulière sur le territoire français » et de « transport non autorisé de stupéfiants » et l’autre prévenu est soupçonné de l’avoir aidé à pénétrer nos frontières.
Le 27 octobre 2015, des policiers contrôlent un bateau de pêcheur. Sur celui-ci, un Comorien en situation irrégulière. Le propriétaire du bateau reconnaît avoir touché de l’argent (500 euros selon ses dires) en le faisant monter à bord dans les eaux mahoraises, alors qu’il venait de débarquer d’un bateau provenant d’Anjouan: « Je lui ai demandé de faire semblant d’être pêcheur», reconnaît-il devant le tribunal de Mamoudzou. Il affirme que c’était sur la demande d’un autre ami pêcheur qu’il avait pris le Comorien sur sa barque.
Cette histoire d’immigration clandestine, tristement banale à Mayotte, se complique soudainement lorsque les forces de l’ordre retrouvent dans le blouson de l’étranger en situation irrégulière 516 grammes de résine de cannabis. Un blouson qui ne lui appartiendrait pas, selon ses dires.
« Il fait froid et ça mouille »
Dans ses réquisitions, le procureur de la République, Joël Garrigue, insiste sur les contradictions relevées dans les différents témoignages du prévenu qui dira tout d’abord qu’il a accepté le blouson durant la traversée d’Anjouan à Mayotte «parce qu’il fait froid et que l’eau, ça mouille, grosso modo», ironise le Procureur. Puis, qu’on lui avait donné «quelque chose», qu’il ne savait pas ce que c’était mais que le propriétaire du blouson lui aurait dit que ce « quelque chose », à la revente, pouvait lui rapporter entre 1.500 et 1.700 euros. Enfin, il a avoué avoir compris que la poche du blouson contenait du « bangué ». « Il n’est pas venu chercher l’Eldorado à Mayotte, ni une vie meilleure mais il est venu pour commettre un acte de délinquance: la vente de stupéfiants », affirme le procureur qui requiert 3 ans d’emprisonnement ferme et une interdiction définitive du territoire nationale.
Quant au propriétaire de la barque, le procureur de la République estime « qu’il savait peut-être pourquoi il allait chercher son passager » et que l’aide au transport de stupéfiants pouvait être « volontaire ». Qu’en tout cas, « l’aide à l’entrée irrégulière d’un étranger en France » était « indiscutable ». Contre lui, il a requiert un an d’emprisonnement avec sursis et la confiscation de son bateau.
“Vous avez à juger quelqu’un qui a été manipulé”
« Vous avez à juger quelqu’un qui a été manipulé », répond Me Andjilani, l’avocat du migrant. Pour lui, le prévenu « est venu trouver une vie meilleure, il n’est pas venu pour commettre des actes délictuels. (…) On lui a remis un blouson dans la nuit, il avait froid. Il a constaté qu’il y avait quelque chose mais qu’aurait-il dû faire?», interroge l’avocat de la défense. « Ce qui se passe n’aurait pas dû se produire. Ce blouson, il devait le remettre au propriétaire de la pirogue, c’est ce qu’il a toujours dit », plaide encore Maître Andjilani, qui demande la relaxe pour le chef d’accusation d’importation de stupéfiants et une peine plus légère pour l’entrée irrégulière sur le territoire national.
Maître Journiac, l’avocate du propriétaire de la barque a, quant à elle, insisté sur le caractère exemplaire de la conduite de cet homme qui nourrit sa famille comme il peut des fruits de sa pêche. Et qui, en outre, n’a jamais manqué les rendez-vous liés à son contrôle judiciaire depuis un an et sept mois. La magistrate demande une peine « utile », une amende qui le dissuaderait de recommencer et plaide pour la restitution du bateau, afin que le pêcheur puisse continuer à travailler.
Le tribunal a finalement reconnu le migrant coupable des faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné à 18 mois d’emprisonnement ferme (déjà effectués en détention provisoire) et à une interdiction d’entrer sur le territoire national pendant 2 ans. Quant à l’homme à la barque, il écope d’un an de prison avec sursis et de 1.000 euros d’amende.
OL
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