Le Colonel Jean Gouvart est aux premières loges pour assister à l’évolution de la délinquance à Mayotte. Depuis 2012, il dirige l’ensemble des forces de gendarmerie dans notre département. Il a ainsi vu émerger des phénomènes qui n’existaient pas auparavant chez nous. Bien avant les coupeurs de routes, Il a assisté à la très forte augmentation des cambriolages de logements, déjà traumatisants pour la population.
«Avec ce phénomène comme avec d’autres, on a des évolutions qu’on n’arrive pas à anticiper. Par exemple, les cambriolages de logements ont connu un pic en 2013 avant de diminuer. On le constate clairement mais on ne peut pas l’expliquer», précise cet ancien des écoles de Saint-Cyr et des officiers de la gendarmerie, passé par Villeneuve d’Ascq, Orange et Fort-de-France.
2011, l’année qui déverrouille les comportements
«Avec le recul, il est évident que cette très nette augmentation de la délinquance, en particulier chez les jeunes, date de 2012, avec un phénomène post-mouvement social de 2011 évident», relève le colonel.
Depuis cette date, la nature et l’ampleur des délits ont changé et les forces de l’ordre sont d’ailleurs très souvent elles-mêmes exposées. «Si on prend les phénomènes de caillassages, c’était très marginal auparavant. Et 2011 a déverrouillé quelque chose qui a conduit à la situation d’aujourd’hui».
Parmi les autres faits marquants de ces derniers temps, l’explosion des violences avec arme, en particulier avec les coupecoupes dont l’usage n’a souvent plus grand-chose d’agricole. «C’est une question qui interpelle. Qui vend des chombos et à qui? Il faut vraiment s’interroger sur la vente libre des chombos qui conduit à avoir une population armée», indique Jean Gouvart.
Constructions et déménagements
Face à la situation, le gouvernement a dévoilé un train de 25 mesures pour s’attaquer de front aux phénomènes mahorais, parmi lesquelles une présence territoriale repensée. Le colonel achève ainsi sa mission à Mayotte après avoir préparé cette grande réorganisation.
Premier élément: La brigade de Mamoudzou va disparaître pour laisser la place à deux brigades distinctes «mono-communales»: une à Koungou et une autre à Dembéni.
Un projet immobilier conduit par la SIM va démarrer rapidement à Trévani. «On continue à chercher un terrain à Dembéni. On travaille actuellement sur la question avec la mairie», précise Jean Gouvart. «Ces changements vont permettre de déménager la section de recherche à Mamoudzou».
Dans le sud aussi, les choses devraient changer. D’abord, à Sada, un programme immobilier de logements va être lancé à proximité de la brigade. Une fois réalisé, il permettra de réduire les temps d’intervention, en particulier la nuit.
Ensuite, la brigade de Mzouazia devrait déménager. Ces gendarmes qui couvrent tout le grand sud jusqu’à Bandrélé, devraient s’installer au cœur d’un vaste projet immobilier porté par la commune de Chirongui.
«A plus long terme, le transfert de l’état-major sur Grande Terre paraît inévitable. D’ici à 10 ans, la nécessité d’être au plus près des unités va s’imposer».
89 hommes et femmes en plus
Du côté des personnels, on a beaucoup évoqué de la progression des effectifs. Ce sont 89 postes supplémentaires qui devraient voir le jour à Mayotte durant les 3 prochaines années. «Cette augmentation va concerner tous les personnels, dans les brigades, à l’état-major comme au centre opérationnel qui traite les appels». Cette évolution sera aussi accompagnée de la montée en puissance de la réserve qui va passer de 40 à 84 personnes en deux ans.
On en parle souvent dans la chronique judiciaire, mais on oublie que Mayotte disposait d’un GIR, un groupement qui rassemblaient policiers et gendarmes. «Il est en sommeil et il reste en sommeil», tranche le Colonel Gouvart, l’activité ciblée par ce type d’unité n’étant pas suffisante à Mayotte.
Progresser en proximité
«On peut encore progresser dans beaucoup de domaines et en particulier en terme de proximité. Actuellement, la population ne s’approprie pas les services de l’Etat. Ce sont pourtant des services, comme leur nom l’indique, qui sont là pour servir la population. L’exemple, c’est la crainte d’appeler le 17. Les gens doivent savoir qu’on est là pour eux», explique Jean Gouvart.
Quant à la lutte contre l’immigration clandestine, le plan «Mayotte sécurité pour tous» évoque une expérimentation de drones. «C’est une proposition que nous avons faite depuis 2012 pour compléter le dispositif de surveillance et de détection. Mais le drone, ce n’est pas un moyen dont disposent les forces intérieures». Bernard Cazeneuve s’est néanmoins rangé à l’idée. Pour autant, les besoins étant très spécifiques, l’expérimentation va porter sur les besoins de temps de vol ou les types de capteurs nécessaires… «Il n’y a pas d’autres exemples d’une telle frontière à surveiller».
Le colonel parti pour la métropole, son successeur aura donc de nombreux chantiers à poursuivre, pour diriger un service à une population amenée à exiger toujours plus fortement des résultats.
RR
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