Les critiques fusent, de plus en plus pressantes, sur la réactivité des forces de l’ordre dans la zone de Mamoudzou où le verbe «déposer plainte» est systématiquement conjugué à la forme négative. Que se passe-t-il entre la population de Mayotte et sa Police nationale ?
C’est Youssouf, à Tsoundzou 2 qui, au moment d’ouvrir sa maison, voit la lumière s’éteindre et reçoit un coup sur la tête… Il ne peut empêcher le cambriolage. C’est Françoise qui marchait dans la rue de l’hôpital ce vendredi matin, lorsqu’une main se glisse pour lui arracher le portable qu’elle avait dans la main, «un enfant pas plus haut que ça !» En 7 ans à Mayotte, c’est la première fois qu’elle se fait agresser. Elle ne sait pas si elle va aller déposer plainte.
Le ras-le-bol est général : une délinquance des mineurs qui explose*, des habitants qui se plaignent des déplacements lents, voire inexistants de la Police nationale, et qui finissent par se décourager et décourager leurs proches de téléphoner au Commissariat. «Certains s’arment», entend-on même, quand ce ne sont pas des départs définitifs de l’île.
Questionné, le capitaine de Police Chamassi va droit au but : «Que les habitants ne se demandent pas pourquoi Mayotte n’est pas placée en Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP) ! En ne déposant pas plainte, les chiffres ne traduisent pas la réalité, et Paris ne peut comprendre l’ampleur du phénomène». Face aux critiques, il garantit un accueil téléphonique 24h/24 et 7j/7, «au 17, nous avons maintenant quatre postes, derrière lesquels sont placés deux fonctionnaires supervisés par un chef de poste», et donne un autre numéro à appeler en cas d’échec 0269 61 12 22.
Il admet que certains policiers peuvent être en faute : «toutes les conversations étant enregistrées, j’invite toutes les personnes qui ont été mal reçues ou qui ne voient pas arriver la patrouille après un appel, à venir le plus tôt possible au Commissariat et à demander un officier. Les bandes seront écoutées, et le policier sanctionné».
La peur mauvaise conseillère
Et lorsque la plainte est déposée, les interpellations suivent souvent selon lui* : «Nous venons d’arrêter, à Doujani, deux jeunes qui en avaient tabassé gratuitement un autre à Tsoundzou, il y a plusieurs mois. Je tiens à dire qu’il n’y a pas de zones de non droit, nous circulons partout».
Souvent, les habitants retrouvent devant chez eux des délinquants mineurs que la Police avait arrêtés la veille, ce qui peut prêter à confusion, «certains gamins passent 10 fois par mois par le Commissariat !» Car lorsqu’ils passent au tribunal, on leur applique un simple rappel à la loi, «fahamou !» (attention !), “ce n’est pas suffisant» indique Chamassi qui compatit malgré tout au manque de moyen du procureur : «Pas de place en prison, pas de centre d’accueil qui sont de la compétence du Conseil général».
Quelques personnes viennent de lui signaler des cas de rackets prés de la barge, des policiers vont s’y déplacer. «Deux à trois patrouilles tournent le jour, renforcées le soir par le quart de nuit et par les deux patrouilles de la Brigade Anti criminalité». Et dès que la patrouille est partie, les souris dansent à nouveau. «C’est pourquoi nous avons besoin de la population : vigilance entre voisins, appel au 17 pour qu’on puisse organiser des planques, etc…»
Certains habitants ont peur de témoigner par peur de vengeance, «mais ça n’arrive pas, nous n’avons jamais eu une seule plainte dans ce sens».
Le capitaine en est persuadé, «beaucoup d’amalgames sont faits face à la délinquance». S’il incite à déposer plainte, c’est aussi parce qu’au Commissariat, croupissent des objets retrouvés après interpellations, sans savoir à qui les attribuer.»
Anne Perzo-Lafond
* Les chiffres de la délinquance à Mayotte seront rendus publics début février
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