« Je reconnais. Bien sûr que je suis responsable »… Ce n’est pas un petit délinquant qui est à la barre, ni un de ces nombreux jeunes qui errent sur des bancs publics : Daniel F. a un Bac pro en poche, un stage dans une entreprise de sécurité, et la volonté de l’intégrer un jour.
Le président Sabatier lui demande de revenir lui même sur le déroulé de cette journée. « C.A. m’a accusé d’avoir frappé son chien, alors que je n’ai fait que le repousser du pied parce qu’il sautait sans arrêt sur ma jambe. Il est venu me voir agressivement, on s’est battu à mains nues. Lorsque je suis allé chez lui, il est allé chercher une hache, et a frappé un pote qui s’interposait. J’ai alors sorti un couteau que j’avais pris avant de monter le voir. » Et là, il assène plusieurs coups dans l’abdomen de son vis à vis de 17 ans.
Le président Sabatier est aussi attaché à la valeur pédagogique de l’audience qu’à la sanction : « Vous avez frôlé le meurtre et la cour d’Assises. Vous avez eu de la chance que le juge n’ait pas retenu l’intention de tuer ! » Surtout qu’au moment de frapper, la victime avait déjà lâché sa hache, désarmé par les témoins.
Il le laisse les intestins à l’air
Pas de légitime défense donc, et une certaine lucidité dans l’action, « vous expliquez en garde à vue avoir laissé le doigt sur la lame pour qu’elle ne s’enfonce pas trop », relève la substitut du procureur. C’est l’aspect intentionnel d’un geste qui aurait pu être meurtrier qui conditionnera le verdict. Défenseur de la partie civile, Me Saïdal, enfonce donc le clou : « Si vous ne vouliez pas le tuer, pourquoi être revenu chez lui plusieurs fois et avoir frappé à trois reprises ?! Et vous repartez sans vous inquiéter de son état… »
Et pourtant, la victime a bien les intestins à l’air, décrira son avocat, « il en fera un malaise et de retrouvera la mémoire que quelques jours plus tard, et bénéficiera de 33 jours d’arrêt de travail. »
« Comment pensiez-vous intégrer une profession d’agent de sécurité qui demande des compétences techniques et morales ?! », s’enquiert le président face à l’air perdu du prévenu. « C’est ça le problème ! », répètera-t-il à plusieurs reprises. Repris par une assesseur : « C’est ça le problème ? Pas les blessures ! »
Multiplication des atteintes aux personnes
Me Saïdal s’y engouffre : « Notez la légèreté de ces paroles ! Alors que mon client a les intestins à l’air libre, ce qui lui laisse une cicatrice à vie, lui ne pense qu’à son casier judiciaire ! » Il demandera 15.000 euros de préjudice.
Pour la substitut du procureur, c’est un dossier de violence de plus, « entre 2012 et 2015, les atteintes aux personnes ont cru de 39%, pour des stup, des rivalités entre bandes, ou même un simple regard. » Le caractère intentionnel ne fait aucun doute pour elle, « il se rend chez la victime à plusieurs reprises, plante le couteau jusqu’à éviscération, la technique maîtrisée. » Elle demande 18 mois d’emprisonnement dont 6 avec sursis.
Me Andjilani avait bien peu de marge de manœuvre pour défendre son client. Il impliquait la victime, « Il a commencé. Il va comparaître au tribunal pour enfant pour avoir quand même donné deux coups de hache et pour des faits de violence contre mon client. »
Après un long moment de délibération, le tribunal décidait d’ordonner 12 mois de prison dont 4 avec sursis, et 8 mois ferme aménageables. Il y aura renvoi sur intérêt civil le 1er février. Sa peine sera bien inscrite sur son casier judiciaire. Il devra indemniser la victime pour ses frais de justice.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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