L’étude est inédite. Pendant neuf mois, l’Institut Montaigne, un groupe de réflexion qui milite depuis longtemps en faveur des statistiques ethniques, a fait interroger la population musulmane de l’Hexagone sur des dizaines de points. Pour garantir une approche scientifique, le «think tank» s’est offert le contrôle d’Antoine Jardin, docteur en science politique et ingénieur de recherche au CNRS, car l’objectif était bien de dresser un portrait rigoureux des musulmans qui vivent en métropole. Le JDD publiait hier dimanche les éléments forts de ce travail.
Premier enseignement, leur nombre. Alors que des chiffres fantaisistes sont souvent mis en avant, l’Institut Montaigne et l’Ifop parlent de moins de 4 millions de personnes, soit 5,6% des plus de 15 ans. Les musulmans seraient 10% chez les moins de 25 ans, il s’agit donc d’un groupe social relativement jeune (avec 84% qui ont moins de 50 ans).
Autre enseignement de l’étude qui va, là encore, à l’encontre d’une idée reçue : les conversions sont deux fois moins importantes que le nombre de ceux qui s’éloignent de la religion.
Plus halal que mosquée
Concernant le mode de vie, l’adhésion au modèle français occidental des musulmans de l’hexagone est très majoritaire mais les femmes n’appréhendent pas la vie sociale comme les hommes et se montrent plus conservatrices. Si 85% d’entre elles acceptent d’être soignées par un médecin de sexe opposé, les hommes y consentent à 97% ; 59% des femmes feraient la bise à un homme, quand 77% des hommes peuvent embrasser une femme pour la saluer ; et seulement 56% des musulmanes de métropole approuvent la mixité dans les piscines, alors que les hommes l’acceptent à 75%.
Au quotidien, 70% des personnes interrogées déclarent «toujours» acheter de la viande halal et 65 % sont favorables au port du foulard… mais 65% des femmes musulmanes ne le portent pas.
Enfin, la fréquentation des 2.500 mosquées de métropole est plus faible qu’on ne le pense souvent: 30% du millier de musulmans interrogés ne s’y rendent jamais, et autant ne le font au mieux que lors des grandes fêtes religieuses.
Trois grands groupes
Au final, l’Ifop a constitué trois grands groupes, en fonction des pratiques religieuses des personnes sondées, de leur attachement à la laïcité, au port du voile ou à la viande halal.
Le premier groupe, largement majoritaire avec 46%, compte des musulmans qui se sont éloignés de la religion ou qui ont une pratique religieuse totalement en lien avec le mode de vie français. Un deuxième groupe, représentant 25%, est «plus pieux et plus identitaire tout en rejetant le voile intégral».
Le dernier groupe, évalué par l’Ifop à 28%, rassemble des croyants qui ont «adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République», s’affirmant «en marge de la société». Les jeunes, les moins insérés dans l’emploi et les convertis sont les plus disposés à adhérer à ce modèle, jusqu’à 50%.
Pas de communautarisme organisé
Ce sondage a été réalisé auprès de 1.029 personnes de confession ou de culture musulmane, extraites d’un échantillon de 15.459 métropolitains âgés de 15 ans et plus. Il a permis la rédaction d’un rapport intitulé «Un islam français est possible» qui présente donc un portrait inédit des musulmans de France, relevant que «la question sociale est la priorité des musulmans interrogés, bien avant les questions religieuses ou identitaires». Le document indique qu’il n’y a pas de «communautarisme musulman unique et organisé».
Quant au Conseil français du culte musulman (CFCM), il n’est vu comme représentatif que par… 9% des interrogés.
Des préconisations
Ce document fait également un certain nombre de préconisations. L’Institut Montaigne recommande ainsi la nomination d’un «Grand imam de France», la création d’un secrétariat d’Etat aux Affaires religieuses et à la Laïcité, ou encore un enseignement renforcé de l’arabe à l’école publique.
Cette étude intervient alors que la crispation de la société métropolitaine autour des questions religieuses en général et celles de l’islam en particulier n’a jamais été aussi forte. A 7 mois de l’élection présidentielle et après les vagues d’attentats commis en métropole au nom de la religion, nul doute que l’islam et la place des musulmans de France seront parmi les sujets centraux des débats de la période à venir.
RR
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