La plupart sont scolarisés au collège de Mgombani, deux ne le sont pas du tout, et trois ne se souviennent plus dans quelle classe de primaire ils sont. « Ça n’est pas grave », répond Chaharoumani Chamassi, initiateur de l’Ecole du Civisme, « on verra ça plus tard. »
Son école, qu’il porte depuis plusieurs années dans la tête, et qu’il a baptisée « Frédéric D’Achery », en hommage à l’élu de Koungou, vient d’ouvrir ce lundi 21 novembre sur les hauts de Convalescence. Il fallait d’abord réinstaller l’éclairage public. Il donne aux élèves, tous en grande difficulté, de 10 à 17 ans, la trame de l’enseignement qui sera dispensé : « En dépit de votre différence d’âge, nous commencerons par l’alphabétisation, pour compliquer progressivement afin d’avoir un niveau uniforme. »
Les plus grands devront donc patienter, mais au fil du premier cours, ils vont aussi découvrir autre chose, la devise de l’école du Civisme : « Respect-Dialogue-Concertation-Réussite », qu’ils vont vite devoir intégrer. Ils viennent en effet tous de s’esclaffer devant l’erreur de l’un d’entre eux, « levez-vous ! », intime tranquillement Chamassi, « rasseyez-vous »… Tous répondent « merci », ils ont compris la leçon. Pour cette fois.
« b-a, ba »
Des enseignants-bénévoles, Sandrine Félicie, enseignante à Cavani sud2, Marachi Mohamed, stagiaire enseignante, Aka professeur de philo au lycée Bamana, Béatrice Gari, enseignante à Kavani, ainsi que deux des fils de Chamassi, se lancent. Le premier cours, c’est du français, avec retour sur les 26 lettres de l’alphabet, les voyelles, les sons…
Elle recadrera à plusieurs reprises avec le sourire la classe, y parviendra sans problème « n’oubliez pas, ces enseignants ne sont pas payés, ils sont là pour vous », rappelle Chamassi. Presque tous lèvent le doigt pour répondre. C’est parti, l’école Frédéric d’Achery est lancée. La famille du défunt a aussi fait don de meubles et d’une imprimante pour épauler celui qui est aussi capitaine de police de profession, et qui est un ami. D’autres sociétés ont participé, les uns sur les bureaux, d’autres des ordinateurs.
L’association porteuse du projet, « 2 mains pour les enfants », présidée par Chamassi, va monter des dossiers pour obtenir des subventions, « pour l’instant, nous cherchons d’autres bénévoles pour enseigner »*.
Pas de zébu qui tienne
Pour ces enfants qui sont en échec, l’objectif est de leur redonner confiance avec des bases simples, « vous n’apprendrez que la moitié de la table de 2 le premier jour, mais on ne fera que ça. Et pas de devoir à rapporter à la maison où vous attendent le repas à préparer, ou le zébu à rentrer. Vous avez une seule mission ici, apprendre. » Des évaluations de leurs acquis seront faites régulièrement.
Des cours d’Histoire de Mayotte et de sa région seront dispensés, et un cadi, un prêtre ou un pasteur viendront expliquer les fonctionnements de leurs religions respectives, « parce qu’elles sont toutes synonyme respect et de paix. »
Les enseignants fonctionneront par paires, « pour prévenir toute défection », et seront à disposition des élèves pour toute explication.
Les parents sont comme leurs enfants au centre du programme de Chaharoumani Chamassi : « Nous les recevrons pour des cours d’alphabétisation, pour qu’ils suivent leurs enfants. »
Les cours seront dispensés de 18h à 20h chaque soir.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
*0639 40 10 32
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