Lorsque l’affaire a éclaté, les avocats d’Air Austral et son ancien PDG Gérard Éthève avaient dénoncé «un complot de dépressif». C’est pourtant la compagnie aérienne dont la condamnation a été confirmée par la Chambre de révision de la Cour de Cassation.
Cette juridiction, peu connue du grand public, fonctionne de façon particulière. Seuls les «avocats aux conseils» sont habituellement habilités à y plaider. Mais dans ce dossier, les débats se sont pourtant déroulés différemment. Privé de sa licence de pilote et ruiné par cette affaire, David Rocher n’était pas en mesure de supporter les frais d’un avocat. Tout à fait exceptionnellement l’ancien pilote de ligne a été autorisé à plaider lui-même sa cause. Et il a gagné.
La Chambre de révision de la Cour de Cassation a rejeté la demande d’annulation de la condamnation d’Air Austral pour harcèlement moral et discrimination syndicale.
Cinq «manquements graves»
L’affaire remonte à quelques années. En 2012, David Rocher, alors pilote de ligne, dénonce ce qu’il pense être cinq manquements graves de la compagnie qui l’emploie: Un décollage périlleux au moment où le cyclone Gamede menaçait notre île en février 2007, un atterrissage aux Seychelles avec «une documentation informatique de bord erronée» en 2009, l’exploitation d’un avion en «No Go» en novembre 2010, une autre manœuvre délicate pendant la forte tempête tropicale Vania en janvier 2011 en Nouvelle-Calédonie, et enfin un «vol long courrier avec un appareil gravement endommagé», en septembre 2011.
C’est donc la réaction au sein de la compagnie qui est l’objet des poursuites. Le 23 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Saint-Denis condamne Air Austral à 50.000 euros d’amende pour harcèlement moral et discrimination syndicale. Gérard Éthève, son PDG, écope de six mois de prison avec sursis et 15.000 euros d’amende. La compagnie aérienne prend acte de la décision mais Gérard Éthève choisit de faire appel. Bien lui en a pris. Il est finalement relaxé en décembre 2013.
PDG relaxé, entreprise condamnée
«Les relaxes dont a bénéficié Monsieur Éthève devant la cour d’appel constituent un fait nouveau au sens (…) du code de procédure pénale», estiment alors Mes Guillaume Navarro et Jean-Michel Baloup, les avocats d’Air Austral. Ils veulent une révision des condamnations pénales définitives prononcées contre l’entreprise.
Ils estiment qu’une personne morale ne peut être condamnée que si un de ses représentants commet une infraction pénale pour son compte. «Compte tenu de la relaxe de Monsieur Éthève prononcée par la cour d’appel de Saint-Denis, il n’est aujourd’hui plus possible juridiquement de maintenir les condamnations pénales prononcées, à l’époque, à l’encontre d’Air Austral», expliquent les avocats qui vont donc tenter de faire valoir leur analyse.
L’ancien pilote demande 5 millions d’euros
Le 11 avril dernier, la commission d’instruction de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales donne son feu vert. La compagnie y voit un bon signe alors que 95% de ce type de demandes sont rejetées. Mais finalement, la condamnation est bel et bien confirmée.
Cette première victoire de David Rocher, aussi importante soit-elle, n’est qu’une étape. Car d’autres procédures vont à présent rebondir.
Le tribunal correctionnel de Saint-Denis attendait cette décision pour statuer sur les dommages et intérêts. «J’ai adressé une copie de l’arrêt à la présidente du tribunal correctionnel de Saint-Denis, en lui demandant une date d’audience la plus proche possible», indiquait Me Valérie Soulié, défenseur de David Rocher.
L’enjeu est colossal: L’ancien pilote de ligne réclame à son ancien employeur la somme faramineuse de 5 millions d’euros!
«Nous saurons donc dans quelques mois ce qu’il en coûtera à Air Austral d’avoir éliminé un pilote lanceur d’alerte qui a dénoncé plusieurs mises en danger de la vie des personnels et passagers par cette compagnie», confie-t-il à nos confrères du JIR.
Egalement devant les prud’hommes
David Rocher va également devant les Prud’hommes de la Réunion contester à nouveau son licenciement abusif. La décision de la Cour de révision pourrait donner un second souffle à la plainte pour «mise en danger de la vie d’autrui» déposée par David Rocher à l’encontre d’Air Austral et toujours à l’instruction.
En octobre 2015, la chambre de l’instruction de la cour d’appel avait validé la démarche tout en refusant à David Rocher le droit de se constituer partie civile. On n’a donc pas fini d’entendre parler de l’ancien pilote de ligne.
RR, le JDM
avec le JIR.
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