CARNETS DE JUSTICE. A Mayotte, c’est une pratique sexuelle qui relève de la tradition. Le «gourouwa», littéralement «frottement», consiste à avoir une relation sexuelle sans pénétration. Ce mercredi, un homme se retrouve face à la justice pour s’expliquer, non sur le gourouwa lui-même, mais pour l’avoir pratiqué avec trois très jeunes filles.
Elles avaient entre 11 et 13 ans à la fin de l’année 2012 quand les faits se sont produits. Et elles ont choisi de ne pas rester silencieuses. L’affaire remontent jusqu’aux oreilles de leur parent qui ont porté plainte.
L’homme est interpellé directement dans les locaux de la gendarmerie. Il s’y est présenté pour tout autre chose. En situation irrégulière à Mayotte, il souhaite se faire reconduire à la frontière, autrement dit, il souhaite rentrer aux Comores gratuitement en se faisant expulser de Mayotte. Placé en garde à vue, il nie d’abord les faits avant de les reconnaître face au juge d’instruction.
Les premiers récits des jeunes filles sont très clairs sur le déroulement des attouchements mais au fur et à mesure de l’instruction du dossier, des doutes surgissent. Les versions évoluent. Ont-elles toutes les trois été victimes, ou seulement deux d’entre elles ? Leur a-t-il donné quelques euros contre cette faveur sexuelle ?
Pour établir la vérité que va sanctionner la justice, les trois jeunes filles sont appelées à leur tour à la barre. La perception de l’affaire, déjà particulièrement dérangeante, change alors du tout au tout. Ce n’est plus un simple récit que le tribunal a à juger.
Face aux juges, il y a maintenant trois petites filles, des préadolescentes timides qui trouvent refuge derrière leur voile, comme pour ne plus être vues.
La première à prendre la parole est aujourd’hui en 5e mais elle ne parle quasiment pas le français.
Le tribunal suspend l’audience le temps pour un traducteur en Kibushi de rejoindre la salle d’audience, une audience qui reprend à huis clos pour éclaircir les événements sereinement et dans le détail, loin des regards gênant de l’assistance.
L’homme est finalement condamné à 5 ans de prison dont trois ferme. Incarcéré depuis 14 mois en détention préventive à Majicavo, il lui reste donc 22 mois à purger aux termes desquels il sera expulsé avec interdiction de revenir sur le territoire national pendant 5 ans. Il devra verser 2.000 à chacune des trois familles et 8.000 euros de dommages et intérêts aux trois jeunes filles. Compte tenu de son insolvabilité, la commission d’indemnisation des victimes devrait être saisie. L’homme est également inscrit au FIJAIS, le fichier des délinquants sexuels.
RR
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