Plus de 260 euros le kilo. Le prix de la vanille relevé sur les marchés de Mayotte par la DAAF* bat tous les records. Fin janvier, la vanille a même flambé de plus de 40 euros par kilo en une seule semaine. «Avec de tels prix, on parle de la vanille de qualité. On peut encore trouver une vanille à 150 euro/kilo, mais elle est rare et elle est à peine sèche… On sait qu’elle va moisir dans le placard», explique Dominique Didelot, responsable du service informations économiques de la DAAF.
Ce n’est pas la météo actuelle exceptionnellement sèche qui est à l’origine d’une envolée des prix qui est en réalité mondiale, avec des causes à trouver du côté de nos voisins malgaches.
Madagascar est en effet le premier producteur mondial : 80% de la vanille consommée dans le monde provient de la Grande Île. Depuis deux ans, des évolutions claires ont été identifiées: tout d’abord, une production toujours plus abondante.
Après 1.500 tonnes exportées en 2015, ce sont 2.000 tonnes de vanille malgache qui devraient être exportées cette année. L’Europe et l’Amérique du nord sont traditionnellement les deux principaux marchés qui captent respectivement la moitié et un tiers des flux. Mais l’Asie en général et la Chine en particulier deviennent de gros acheteurs. Et ces nouveaux venus réorientent vers eux, une part toujours plus importante des exportations.
Trafic et argent sale
Autre tendance actuelle, l’explosion des cours de la vanille qui sont passés de 65 euros le kilo en 2014 à 205 euros en 2015. «Les prix à Mayotte ont fini par se caler sur l’évolution des prix mondiaux», constate Dominique Didelot… Et encore, nous sommes bien loin des 400 euros par kilo, les prix exorbitants qui prévalent actuellement sur les marchés mondiaux.
La cause: de l’argent sale que la production de vanille malgache permettrait de blanchir. Le trafic de bois de rose dont l’exportation est pourtant interdite, génère de telles sommes, qu’il favoriserait le gonflement artificiel des prix de la vanille. Une partie de l’argent des trafics réintégrerait ainsi les circuits officiels.
Une qualité qui s’écroule
Cette situation a une conséquence inattendue: la très nette baisse de la qualité de la vanille malgache, avec un taux de vanilline historiquement faible. Les petits producteurs malgaches qui peuvent gagner beaucoup d’argent craignent un effondrement des cours. Ils accélèrent donc les processus de production. Les gousses ont été récoltées bien avant qu’elles n’arrivent à maturité en 2015 et plus encore en 2016… alors que la qualité des arômes se développe en fin de cycle.
L’autre motif qui pousse les cultivateurs à vendre trop vite leurs gousses est l’insécurité. Crainte de vols sur les plantations, rondes nocturnes, règlement de comptes, justice populaire… La sérénité n’est plus de mise dans certaines campagnes malgaches.
La Vanille de Mayotte n’en profite pas
Et la vanille de Mayotte ? Pourquoi ne reprend-elle pas toute sa place sur nos étals alors que la production malgache part vers d’autres destinations? Elle a, en plus, la réputation d’être parmi les meilleures du monde, avec un taux de vanilline très élevé. Mais la production s’est effondrée ces dernières années. «On en produit de moins en moins et nous ne sommes pas optimistes, malgré les prix qui devraient inciter à relancer la production», explique Dominique Didelot.
Notre problème est simple : nous n’avons quasiment plus de producteurs et les jeunes continuent de se détourner de la vanille. La crise est encore pire que celle que connaît l’ylang. «On a beau mettre des aides, si les producteurs n’ont pas la volonté de se sauver eux-mêmes, on est foutu !» remarque Dominique Didelot.
Echec de la structuration de la filière
Il pointe ici l’échec que fut un appel à projets pour structurer la filière. Il y avait pourtant des montagnes de financements européens à la clé (PDR). «On a essayé de convaincre les groupements de producteurs de déposer des dossiers. Nous n’avons rien reçu. Rien n’a été déposé… On pourrait pourtant imaginer des techniciens à plein temps pour (re)lancer un label… Mais il faut que les acteurs se prennent en main. On ne peut pas obliger un homme à boire s’il n’a pas soif.»
Cette période qui combine des prix élevés et une production malgache de piètre qualité est pourtant le moment idéal pour faire émerger rapidement une filière à Mayotte… Avant qu’il ne soit trop tard. Car, ailleurs dans le monde, la vanille aiguise les appétits. L’Inde, l’Indonésie, le Mexique, la Papouasie-Nouvelle Guinée se préparent à investir le marché mondial. De quoi faire retomber les prix et défier Madagascar. Si rien ne se passe localement, il ne serait pas étonnant de voir de la vanille indonésienne ou papoue dans les années à venir sur les marchés de Mayotte.
RR
www.jdm2021.alter6.com
*DAAF: Direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt
Comments are closed.