Ce samedi se tiennent les deuxièmes auditions du Grand casting musical. Cette opération, la première du genre à Mayotte, a pour objectif de repérer des talents pour leur ouvrir les portes de créations parisiennes grâce à la venue de Bruno Berbéres, directeur artistique et de casting, qui viendra juger les finalistes.
Comme lors de la première session il y a deux semaines, les membres du jury vont entendre les candidats venus défendre leur talent. Parmi ces quatre jurés, le chanteur Mikidache qui a accepté de répondre aux questions du JDM. Musicien engagé, il nous parle des voix de Mayotte et de la «pénurie» d’espace culturels.
Le JDM : Pourquoi participer en tant que juré à un tel casting ?
Mikidache : D’abord parce que ça me plaît. Il n’y a pas grand-chose de cette ampleur qui soit organisé dans notre île. Je trouve que c’est une formidable opportunité pour les jeunes d’être entendus hors de Mayotte.
Je suis natif d’ici et mon rôle dans le jury est de faire valoir un point de vue qui rappelle la culture mahoraise. Je connais notre culture, évidement un peu la musique mais aussi le ‘star business’. Je pense apporter quelque chose de particulier dans ce jury.
Le JDM : Y a-t-il un rapport particulier au chant à Mayotte ?
Mikidache : En général à Mayotte, les gens ne sont pas encore intéressés par le chant. Bien sûr, les gens chantent énormément avec les debas, les chigomas… mais la technique vocale, ce n’est pas quelque chose qu’on travaille. Moi je suis un mélodiste et j’attache beaucoup d’importance au travail de la voix.
Avec la voix, on ne triche pas. Il faut être juste et sincère. Il est aussi important d’apporter de la sensibilité. On est dans une culture où il faut apprendre à travailler tout ça pour être capable de maîtriser ‘les messages de sa voix’.
Le JDM : Les musiques traditionnelles et ‘occidentales’ ont-elles du mal à cohabiter ?
Mikidache : Pour moi, en tant que musicien, ça reste de la musique. Les gens sont encore très traditionalistes à Mayotte, pas très ouverts aux sons d’ailleurs. Maintenant, on est un département, on doit se mettre à l’écoute. Ça nous ramène aux problèmes du manque de structures et d’équipements, en matière de sport, de culture, de musique, pour que les jeunes investissent vraiment ces univers. On ne pourra pas être tous médecin ! Certains peuvent trouver leur voie dans ces domaines aussi.
On a une culture très riche à Mayotte. On a la tradition et la ‘modernité’. On peut avoir une vraie originalité dans la musique avec la synthèse des deux.
Le JDM : Tout au long de votre carrière, vous avez reçu de nombreux prix, comme le prix découverte RFI en 1999. Depuis les années 1990, avez-vous vu les choses évoluer en matière de musique à Mayotte ?
Mikidache : Malheureusement, par rapport à cette époque, il n’y a pas plus de choses que ça. Bien sûr, au niveau des styles, les jeunes regardent la télévision, les médias, ils s’adaptent. Mais au niveau de la proposition de projets ou de lieux de la part des collectivités, il n’y a rien.
Je n’ai pas toujours vécu à Mayotte, donc j’ai un peu échappé à cette pénurie. Ici, on est encore en attente d’une politique culturelle qui envisage les problématiques culturelles sur les moyen et long termes. Il n’est pas normal qu’il n’y ait pas une salle de spectacle par exemple.
Peut-être grâce à des initiatives privées comme ce casting, les élus vont se rendre compte qu’il faut booster les talents de Mayotte. On ne peut pas avoir de développement économique sans la matrice culturelle, sans l’identité.
En Nouvelle-Calédonie, ils ont aussi connu des crises. Ils se sont demandés : ‘qui sommes-nous ?’ Ils se sont dotés d’un centre culturel d’envergure (le Centre culturel Tjibaou, NDLR) et après, ils se sont demandés où aller.
Le JDM : Le musicien que vous êtes travaille-t-il sur un nouvel album ?
Mikidache : Oui, j’ai déjà enregistré cinq titres et je pense le boucler dans l’année pour une sortie l’an prochain. Mais vous savez, j’ai toujours été un artiste engagé. Travailler ma musique n’est pas mon seul centre d’intérêt. Peut-être qu’à l’occasion des élections municipales qui viennent, je vais m’engager sur le terrain culturel pour faire avancer les dossiers qui me tiennent à cœur.
Entretien réalisé par Rémi Rozié.
Les 2e auditions du Grand casting se tiennent ce samedi après-midi, à partir de 13h30, dans une salle de l’Orient Express à Kaweni. Une ultime date de casting est prévue le 22 février au même endroit.
Comments are closed.