Jusqu’à la Révolution française, le Bâtonnier était le chef de la Confrérie des avocats. Il détenait un bâton qui symbolisait sa charge. Disparu des usages modernes, la tradition du passage de bâton perdure cependant dans certains Barreaux. Le Bâtonnier peut alors se voir remettre le bâton en début de mandat.
Le bâtonnier, c’est donc à la fois le porte-parole des avocats, leur conseil et leur arbitre en cas de différends. C’est lorsqu’il en assurait la charge que Me Nadjim Ahamada avait sollicité la venue du président de la Conférence des Bâtonniers. Depuis, Me Ahmed Idriss lui a succédé. C’est donc main dans la main qu’ils ont accueilli Yves Mahiu, et Thierry Gangatte, ancien bâtonnier de Saint-Pierre (La Réunion).
Les tensions avec les magistrats avaient été à l’origine de la demande de Nadjim Ahamada, suivi par un mépris qu’ils avaient dénoncé, notamment de la présidente de la Chambre détachée de la Cour d’Appel, « j’avais alerté le Garde des Sceaux ». « Elles se sont un peu apaisées depuis, il y a de la bonne volonté de part et d’autre », indique Yves Mahiu, avant de rajouter, « j’ai quand même pu mesurer la réalité de certaines choses, et je vais les remonter dans quelques jours à la Directrice des Services judiciaires. »
Rencontre avec le pt du TGI et la pte de la Chambre d’Appel
La Conférence des bâtonniers existe depuis 1902, et fédère 163 barreaux de province, donc à l’exception de Paris. La mission principale de son président, telle que la décrit Yves Mahiu, est de relayer la voix des bâtonniers sur tous les sujets ayant trait à la profession d’avocat, « et de les aider à remplir leur mission. » Me Idriss devrait d’ailleurs suivre une formation en Martinique. Elu depuis un an, pour deux ans non renouvelable, c’est la première fois qu’il vient à Mayotte.
Son déplacement à La Réunion et à Mayotte est motivé par la réapparition dans les programmes de certains candidats de la Carte judiciaire conçue par Rachida Dati, qui reformate la répartition des tribunaux de France, « impactant La Réunion avec un tribunal unique, et des incertitudes sur la Cour d’Appel. »
A Mayotte, en dehors des problèmes relationnels entre avocats et magistrats, plusieurs thématiques ont été au centre des échanges avec le président du Tribunal de Grande Instance Laurent Sabatier et la présidente de la Chambre détachée de la Cour d’Appel, Nadia Bergouniou.
« Un retard de 3 ans sur l’Aide juridictionnelle »
« Nous avons évoqué les gros retards dans le versement de l’Aide Juridictionnelle*. Certains avocats n’ont pas été indemnisés un an après le procès, voire trois ans pour d’autres, dont les cabinets peuvent accuser un déficit de 50.000 euros. Les attestations de fin de mission n’ayant pas été remises. On nous avance le manque de moyens, ‘l’intendance ne suit pas’. »
Un problème important à Mayotte où beaucoup de justiciables n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat, et qui risque de surcroit d’être frileux à l’idée d’accepter un dossier en Aide juridictionnelle.
L’accessibilité des avocats aux locaux de Justice a été traitée : « Ils n’ont reçu que 3 badges d’accès, puis 15, pour les 30 membres du barreau, alors que les jardiniers ont chacun le leur ! »
Toujours dans le cadre des petites choses matérielles qui vous empoisonnent la vie, le patron des bâtonniers a dû gérer un problème d’absence de fax : « Or, lorsque le tribunal est fermé, les avocats doivent pouvoir faire un appel de la rétention ou de la reconduite d’un étranger dans les 24 heures en envoyant une télécopie au tribunal administratif. » Un obstacle conséquent à l’application du droit des étrangers.
Yves Mahiu aura passé moins de deux jours pleins sur l’île, « trop court » : « Ma venue aura été utile, car il faut mesurer la réalité des choses et user ensuite de son pouvoir d’intervention à Paris. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* En fonction de ses ressources, une personne peut bénéficier de l’aide juridictionnelle, c’est-à-dire de la prise en charge par l’Etat, totale ou partielle, d’une partie des frais liés à un procès
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