Le problème de la malnutrition à Mayotte est bien réel. Les professionnels de santé et les associations le constatent au quotidien. Mais il est bien difficile de connaître précisément l’ampleur du phénomène. Deux études très complètes ont été réalisées sur l’île. Elles ont permis de définir les problèmes liés à l’état nutritionnel. Mais voilà: l’étude « Maydia» sur le diabète date de 2008 et «Nutrimay» sur les enjeux de la malnutrition remonte à… 2006. Compte tenu de l’évolution de notre société et de notre démographie, c’est une éternité.
Malgré tout, elles permettaient de montrer la situation paradoxale que nous connaissons, avec d’un côté une malnutrition qui concerne surtout des enfants et de l’autre, la question de l’obésité, particulièrement des femmes adultes.
Ces études ont également établi des données sur le diabète, qu’une prochaine étude de l’ARS devrait permettre d’actualiser. En 2008, une personne sur dix entre 30 à 69 ans était concernée par un diabète de type 2. Près d’une femme sur deux et un homme sur cinq entre 30 à 69 ans était en situation de surpoids ou d’obésité. Enfin, la dénutrition était inquiétante frappant 10% des enfants à la naissance, 20% à l’âge de 6 ans, entre 25 à 30% à 10 ans.
Le PRAANS
En 2013, l’ARS a érigé en priorité majeure de santé publique, l’état nutritionnel de la population. Un programme spécifique a été arrêté. Ce «Programme Alimentation Activités Nutrition Santé» (PRAANS) courait sur la période 2013-2016. Il a été suivi par une «conférence de consensus» sur le diabète en 2016 au cours de laquelle l’ensemble des acteurs concernés et les associations de patients ont planché sur la connaissance de la maladie, la prévention, le dépistage, et l’accompagnement des personnes atteintes.
Au terme de ce programme, le comité de pilotage s’est réuni ce jeudi 19 mars. L’objectif était, à partir du bilan, de valider les orientations à poursuivre en faveur de la santé nutritionnelle dans le département.
Déjà de nombreuses actions
Le PRAANS 2013-2016 (lancé en 2015) a déjà permis la mise en œuvre d’actions nombreuses et variées. Car lorsqu’on parle de nutrition, il faut traiter de l’alimentation mais aussi de l’activité physique qui participe à la détermination de l’état de santé des individus.
On a ainsi vu des opérations d’éducation et d’information à l’école et hors de l’école, réalisées par l’IREPS en lien avec le vice-rectorat, comme des ateliers cuisines, des classes du goût et la création de jardins potagers. Plusieurs actions de sport-santé pilotées par la DJSCS ont été intégrées au PRAANS comme l’emblématique marche des bouénis ou des séances de plongée pour les enfants diabétiques.
Des actions visant à améliorer la prise en charge des patients ont également été organisées par l’association Rédiab-Ylang et le CHM. Parmi elles, des ateliers d’éducation thérapeutique du patient, des actions de dépistage, la prise en charge des enfants dénutris par le CHM et les PMI. Une aide alimentaire pour les personnes les plus démunies est financée par la DJSCS et l’ARS. Enfin, les réflexions sur le développement des produits alimentaires locaux ont été menées par la DAAF et le comité restauration scolaire de la préfecture pour tenter d’améliorer l’offre alimentaire. Mais les efforts doivent se poursuivre et s’amplifier.
Sport et sodas
L’ARS note ainsi que si les actions sont nombreuses, elles sont insuffisamment coordonnées dans le temps et sur le terrain. Malgré le dynamisme des acteurs, le comité de pilotage a relevé plusieurs pistes d’amélioration. Il souhaite d’abord intégrer les actions de nutrition dans le dispositif «politique de la ville». Il veut aussi mettre en commun des outils d’information entre le CHM, la PMI et l’IREPS pour l’allaitement et la diversification alimentaire du nourrisson.
Le comité préconise également la mise en place de «sport sur ordonnance», une prescription d’activité physique adaptée.
Il veut enfin renforcer le suivi du patient dépisté (diabète, obésité enfants dénutris), et rendre l’éducation thérapeutique plus attractive.
Développer la santé communautaire
Le comité s’interroge par ailleurs sur la teneur en sucre des boissons et aimerait qu’elle soit contrôlée, sachant que l’ARS travaille à trouver des alternatives à la boisson sucrée.
Pour finir, le comité note que de nouveaux principes sont à intégrer pour relever le défi de la malnutrition. Développer la santé communautaire est une piste. Elle a déjà démontré son efficacité. Or, à Mayotte, les dispositifs communautaires de santé ont peu à peu disparu.
La politique de prévention de la malnutrition et de ses effets va donc se poursuivre, avec un engagement des acteurs autour de références communes d’intervention. L’ARS affirme qu’elle sera «au cœur des priorités du Projet de Santé 2018-2027» en cours d’élaboration.
RR
www.jdm2021.alter6.com
*Les membres du comité de pilotage : L’Agence de Santé Océan Indien, la Préfecture de Mayotte, le Vice-Rectorat de Mayotte, la Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale de Mayotte, la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de Mayotte, la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte, le Conseil Départemental de Mayotte, l’Association des Maires du Département de Mayotte, le Centre Hospitalier de Mayotte.
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