Camille Miansoni ne manque pas d’humour, à l’instar de son prédécesseur Joël Garrigue parti pour Bourges, à qui un hommage appuyé était rendu unanimement par ses collègues du parquet, « doté d’un sens aigu des relations humaines, il a laissé une empreinte durable à Mayotte », dira le vice-procureur Philippe Léonardo. « Je lui succède, je ne le remplace pas », répondait Camille Miansoni.
Arrivé depuis 3 semaines, le nouveau proc a déjà fait connaissance avec les coutumes locales, « sans Philippe Léonardo, je ne serai jamais parvenu à ‘barger’ », pour un poste qu’il a souhaité, « j’aurai pu rester en métropole, mais j’y ai vu une opportunité professionnelle, avec un territoire en phase de transition institutionnelle qui amène à conduire des chantiers exaltants. »
Son action reposera sur deux piliers, « le respect de mes interlocuteurs mahorais en écoutant pour comprendre et adapter mon action », et « la ferme application de la loi pour garantir l’état de droit. » Des mots qui ne relève pas que d’un simple bon sens à Mayotte où l’état de droit passe parfois derrière un maintien de la paix sociale, parfois nécessaire, mais souvent créatrice d’injustices. Il relèvera d’ailleurs les « questions sensibles » : l’aide à l’entrée au séjour irrégulier, les violences, les fraudes, et les atteintes à la probité.
Le Plaider Coupable comme arme de persuasion
Mais surtout, Camille Miansoni s’affiche comme un réorganisateur en chef des audiences, « qui sont surchargées de jugements de personnes en situation irrégulières, absentes puisque expulsées. » Il privilégie donc la Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le « plaider-coupable », pour les audiences collectives ou à juge unique. Avec un objectif, « gagner de la place dans les convocations. » Une mise en œuvre de la politique pénale qu’il envisage en co-production avec le siège.
Deuxième empreinte, il va rencontrer la section de recherche de la gendarmerie pour un traitement accéléré des dossiers d’atteinte à la probité, la délinquance en col blanc, dans un délai raisonnable.
Il compte aussi développer l’alternative aux poursuites, « malgré le peu de structures », rencontrera les forces de l’ordre, et a demandé un parquetier supplémentaire pour traiter les contentieux de masse que représente l’état civil. Il travaillera sur la protection de l’enfance avec le conseil départemental dont il saluait les efforts. Le président Soibahadine aura apprécié, qui est désormais systématiquement présent aux audiences maintenant que les invitations lui parviennent…
Choisir entre le « Vivre-ensemble » et les « discours alarmistes »
A l’état de droit du procureur le président du tribunal de Grande Instance Laurent Sabatier faisait écho en évoquant une Justice « facteur de cohésion sociale et non d’exclusion sociale. » Alors que le délibéré du jugement pour décasage est reporté, le magistrat s’est exprimé de manière très précise sur le sujet : « Il s’agit de rendre la justice pour tous les résidents de ce territoire, quelques soient leurs origines, et notamment aussi pour ceux qui, poussés par le désir d’une vie meilleure, venus des Comores ou d’ailleurs, y séjournent de fait, précairement, provisoirement ou plus durablement. »
Il ne s’agissait pas d’une allusion en l’air, mais d’un long passage de son discours, qui rappellera les raisons de cette migration, les difficultés de tenir « un bon procès restaurateur de lien social », alors que les médias, qui ne sont pas expressément cités, veillent parfois « pour certains » à amplifier les effets « totalement destructeurs pour la cohésion sociale. »
Comme certains le font “avec abnégation”, le magistrat expliquait se ranger du côté des « lucides et responsables », qui « se retroussent les manches et recherchent des solutions durables », plutôt que de ceux qui « prédisent l’auto-destruction de Mayotte », et « la guerre civile » même, une petite pique à l’intention de l’avocat Me Kamardine qui avait alerté sur ces risques de tensions entre populations locale et étrangère.
Il met donc en garde le nouveau procureur contre les « discours alarmistes », et invite à construire « un vivre-ensemble. »
Le procureur se réjouissait de trouver une juridiction « en état de marche », Laurent Sabatier évoque aussi l’augmentation de 20% des réponses pénales en 2016, dont la célèbre affaire Roukia, « avec une qualité reconnue de tous. »
Il reste encore à mettre en place un tribunal mixte de commerce, cette année, à développer l’accès au droit, dont le Conseil départemental va ouvrir une 6ème antenne dans le sud, et à fluidifier la réponse judiciaire. Cinq nouveaux magistrats vont arriver, pour trois départs.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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