« En 2007, on tablait sur 120.000 touristes pour 2020, or, 2020, nous y sommes, et nous en sommes toujours à 50.000 ! »… C’est un constat d’échec que fait Michel Ahamed, le directeur du Comité départemental de Tourisme de Mayotte (CDTM). Et qui dresse un nouveau paradoxe : « Il nous faut un tourisme de qualité, qui ait les moyens, qui apporte une plus-value, pas un tourisme sac-à-dos. » Et pourtant, on a ce que l’on mérite.
Le Schéma de développement touristique, validé par le conseil départemental, était resté dans des cartons. C’est la présidente du CDTM qui le dit, Fatimatie Razafinatoandro : « Depuis 2007, rien n’a été fait. Nous n’avons toujours pas la maîtrise foncière des sites élus au Plan d’Aménagement et de Développement Durable. » Presque 10 ans qu’on en entend parler.
Au début, les acteurs, de la préfecture au département, avaient des étoiles dans les yeux, mais les hôtels ont tous fait pschitt, et on a laissé repartir des investisseurs qui souhaitaient pérenniser des projets installés, plus modestes, qui avaient fait leurs preuves, et adaptés au territoire, comme Sail Explorer à Mtsangabeach. On nous dit que le Schéma de développement touristique est en cours de révision. Mais aucune flamme dans les yeux à l’idée de construire quelque chose.
Plus de 30.000 personnes prêtes à consommer
On l’a vu avec la ligne directe, l’offre peut faire la demande. « Mais nous manquons toujours de lits et d’activité à proposer aux touristes. Ce n’est pas le rôle du CDTM, mais celui des pouvoirs publics et des opérateurs privés », tranche Michel Ahmed. Qui souligne que l’enveloppe octroyée au tourisme est insuffisante, et la conseillère Fatimatie n’a pu que redire, comme ses prédécesseurs l’ont fait avant elle, que « le département traverse des moments difficiles ». En France, il fut une période où, sans finances, on avait des idées.
Inscrite à la loi NOTRe, la compétence du tourisme revient désormais aux Intercommunalités. « C’est à elles de mettre en place des offres touristiques », explique Michel Ahamed, surtout qu’elle vont toucher un budget pour cela. L’Interco du Centre a déjà mis en place un document stratégique à ce sujet.
Faire payer l’accès aux évènements locaux
Le gros des touristes est constitué d’originaires de Mayotte, « c’est à dire que 30.000 personnes n’ont pas besoin d’être convaincues pour venir, trouvons des actions à mener à leur intention », soulignait Jamel Mekkaoui, directeur de l’INSEE. Même si leur dépense quotidienne tourne autour de 13 euros par personne, des tarifs promotionnels peuvent être envisagés, des packages qui n’inclurait pas la visite de mosquées, mais des découvertes de la faune et de la flore locale, des fabrications d’instruments de musique, etc.
Surtout que les portemonnaies sont prêts à s’ouvrir, selon le directeur du CDTM : « De juillet à septembre, il est impossible de trouver une voiture de location disponible. Mais en dehors des activités lagon, nous n’avons pas d’activités de loisir payantes comme le font les autres départements français, du type manzaraka, m’biwi ou festivals payants. Il faut pousser les gens à consommer. Alors que de plus en plus de jeunes se forment aux métiers de tourisme, quels débouchés leur propose-t-on ? »
Des évènements sociaux contre productifs pour le tourisme
Le 1er acte du Schéma touristique devait être la mise en place d’un guichet qui devait proposer une offre culturelle et patrimoniale. Cela fait 10 ans qu’on l’attend. « Dans ce Schéma, chaque acteur devait être identifié par rapport à sa participation technique. Où est le bilan ? », interroge Michel Ahamed.
Cela fait donc 10 ans qu’il essaie de booster l’énergie des 17 maires, trois ont répondu à l’appel : « Ils ont mis en place à Sada, Bandrélé et Tsingoni des référents en matière de tourisme. Par exemple, Tsingoni propose des visites de la mosquée classée. »
Son équipe a changé d’angle d’attaque, « on passe par les Interco maintenant, et en donnant aux chargés de mission une méthodologie de travail. »
Si les forces vives du territoire ne l’ont pas vraiment été, Jamel Mekkaoui rappelle aussi l’impact négatif des images de coupeurs de route et des décasages en métropole. Relayé par Michel Ahamed, « tant qu’il y aura des évènements sociaux, l’image ne Mayotte sera ternie. »
Un serpent qui se mord la queue, puisque toute activité qui génèrera richesse et petits boulots, un peu comme le font les japonais, évitera à cette jeunesse le désœuvrement.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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