L’économie mahoraise semble bloquée dans un entre-deux. L’IEDOM* qui dresse chaque année un bilan de l’activité économique à Mayotte constate que d’un côté, les entreprises semblent se relever d’une période difficile et font part de leur volonté de maintenir leur activité comme leurs investissements. Mais de l’autre, les incertitudes persistent, le pessimisme grandit, l’attentisme perdure, les moteurs de la croissance sont en difficulté. L’IDEOM a trouvé la formule pour résumer ce climat : pour l’institution, l’économie mahoraise est «à la recherche de relais de croissance».
Cette situation mitigée se retrouve naturellement dans données chiffrées. Dans le positif, l’évolution des prix est devenue raisonnable (+0,2 % en moyenne annuelle) et la consommation des ménages pousse notre développement au point d’être le «seul moteur de croissance capable de porter l’activité». Dans le moins bon, l’incertitude pèse sur les décisions d’investissement et l’augmentation des importations ralentit, un signe que Mayotte peine à embrayer sur une franche période de prospérité.
L’IEDOM explique qu’il lui apparaît «difficile de pouvoir rétablir un climat de confiance pour l’année à venir» et que le chemin vers une croissance durable sera «long». Mais le défi est bel et bien d’«instaurer un environnement socio-économique stable capable de soutenir le développement de l’île».
Une économie de transferts publics
L’institut approfondit ce regard par une analyse des grands secteurs économiques. Chez nous, le secteur tertiaire reste «prépondérant», basé sur les transferts publics : 84,1% des offres de travail en 2015 concernent le tertiaire, 78,5% des entreprises y sont concentrées.
A côté, si l’embellie des services marchands se confirme, l’activité du BTP est «faible», l’aquaculture «subsiste difficilement» et le commerce connaît une année «paradoxale» avec des chiffres et un climat des affaires désorientés.
Pourtant, notre secteur bancaire se porte bien. L’épargne augmente, avec 68 millions d’euros de dépôts supplémentaires sur un an (+13,6 %) et tous les établissements bancaires sont sur la même tendance.
Les prêts n’ont jamais été aussi nombreux : les crédits à la consommation, levier de la croissance mahoraise, s’envolent de 19,3% en 2016 après une progression de 12,4% en 2015. La progression est forte aussi pour les crédits à l’habitat, +9,2 % sur un an après +10,1% en 2015.
Mais, là encore, ce sont bien les particuliers qui boostent l’activité. Car si l’encours des ménages augmente globalement de 14%, celui des entreprises progresse bien moins rapidement, +1%. Le dynamisme des crédits immobiliers des entreprises (+31,7%) et la reprise des crédits d’exploitation (+29,9%), compense à peine le repli des crédits d’investissement (-8,9 %).
Le défi de l’eau
L’IDEOM s’attarde cette année sur les besoins en eau du département… La crise de l’eau, avec 8 communes alimentées de façon intermittente pendant des mois, est passée par là.
L’eau est «un défi structurel», explique sans détour l’IDEOM. En 5 ans, alors que la consommation a augmenté de 22,5%, il y a «nécessité de développer les infrastructures pour répondre aux aléas climatiques et à la pression démographique»… et sortir d’une «incapacité à aligner offre et demande».
Car la crise de l’eau qu’a connu Mayotte a posé des problèmes sanitaires, mais elle a également eu des «effets collatéraux sur les secteurs de l’économie». L’Institut note à la fois le Programme De Mesures (PDM) qui a été enclenché (83 millions d’euros budgétées sur cinq ans) et le «Plan Eau Mayotte», avec des objectifs à court et moyen terme.
Le handicap des transports
Enfin, le dernier sujet sur lequel se focalise ce bilan annuel est le domaine des transports. Pour l’IEDOM, c’est désormais «un handicap pour l’activité économique». Le trafic routier est saturé, avec un volume de voitures responsable à 50% des embouteillages. Et les ventes de véhicules neufs continuent leur envolée sans fin : 12.757 véhicules neufs en 2016, après 9.943 en 2015 et 7.200 en 2014… vous avez dit embouteillages?
Là encore, l’IEDOM relève la volonté de trouver des solutions pour désengorger le trafic, avec le lancement de chantiers sur les transports en commun qualifiés d’«outil indispensable» pour notre île. «Indispensable» est aussi le développement d’un transport maritime, en particulier pour le fret et le transit de marchandises.
Mais dans ce domaine aussi, on trouve de quoi positiver avec les «signes encourageants» montrés par le trafic aérien qui se développe, et qui sont confirmés en ce début d’année.
L’éducation financière
Pour finir, si l’IEDOM est un observateur privilégié de notre économie, elle veut également en être un acteur plus engagé. L’institution lance le «Projet EDUCFI», pour un développement de formations qui permettraient à ceux qui le souhaite «de disposer des bases économiques, budgétaires et financières afin de prendre des décisions en connaissance de cause».
Cela concernerait un enseignement d’éducation budgétaire et financière pour les jeunes, des compétences mobilisées dans l’accompagnement des publics en situation de fragilité financière par les intervenants sociaux ainsi que le soutien aux compétences budgétaires et financières tout au long de la vie. Pour que chacun de nous soit plus à l’aise avec l’analyse des finances en général, et des siennes en particulier.
RR
www.jdm2021.alter6.com
*IEDOM : Institut d’émission des départements d’Outre-mer
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