L’INSEE a publié aujourd’hui les résultats de la première enquête dite “Information et vie quotidienne” (IVQ) à Mayotte. Le constat bien que sans surprise est cinglant, 58 % de la population ne maîtrise pas le français à l’écrit, 42 % parmi les personnes qui ont été scolarisées.
La machine INSEE est lancée, une nouvelle volée de statistiques est tombée ce jeudi sur la maîtrise du français écrit à Mayotte. L’institut national de la statistique et des études économiques a dévoilé les résultats de la première enquête “Information et vie quotidienne” (IVQ) sur l’île, réalisée fin 2012. L’IVQ est une enquête nationale qui permet à travers l’évaluation des compétences des adultes, d’appréhender la maîtrise des fondamentaux : écrire, communiquer, compter.
Ce n’est pas une surprise, mais l’enquête révèle de grosses difficultés en français à l’écrit pour une majorité de la population. Ainsi, 58 % des habitants de Mayotte en âge de travailler ne maîtrisent pas les compétences de base à l’écrit en langue française.
Évidemment, ce chiffre est moindre pour la part de la population qui a été scolarisée, mais reste très élevé. Parmi elles, 41,6 % ne maîtrise pas le français écrit, toutes catégories d’âges confondues. Elles sont considérées comme illettrées. L’illettrisme, selon l’agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) est “la situation des personnes qui ont été scolarisées dans le cadre de l’école française et qui ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture ou écriture pour être autonomes dans des situations simples de la vie quotidienne”. Près d’un tiers de la population de Mayotte de 16 à 64 ans n’a jamais été scolarisée. L’analyse de l’INSEE est moins basée sur une analyse stricto sensu de la définition de l’illettrisme, mais centrée sur l’ensemble des personnes ayant été scolarisées quelque soit leur lieu de scolarisation, une part importante de la population ayant débuté sa scolarité à l’étranger, notamment aux Comores (territoire français jusqu’en 1975).
Massification de l’éducation
Plus étonnant, les plus jeunes, scolarisés ou l’ayant été, ont plus de difficultés que leurs aînés. Les moins de vingt ans sont-ils moins bons élèves que les presque retraités ? Pas exactement. La génération des 45/64 ans a été scolarisée à une époque durant laquelle l’enseignement était réservé à une minorité, issue des catégories sociales les plus favorisées, où le français était maîtrisé par l’entourage de l’élève. Dans le schéma bourdieusien, la génération scolarisée des 45 à 64 ans a bénéficié en proportion d’un meilleur “capital social” que les générations scolarisées suivantes. C’est donc la massification de la scolarité qui a conduit à cette baisse relative de niveau. Cependant, la généralisation de l’enseignement a permis d’importants progrès sur l’ensemble de la population. Ainsi, 77 % des 55-64 ans ont des difficultés à l’écrit, contre 48 % des 16-24 ans.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des jeunes sont scolarisés, mais ils sont nombreux à évoluer dans un contexte familial où les compétences à l’écrit sont faibles, un des facteurs du constat dressé par l’enquête. Parmi les personnes en difficulté à l’écrit, plus de 50 % ont des parents qui ne savent pas lire.
Bachelier et illettré
Ces difficultés diminuent durant la scolarité, de 13 ans en moyenne à Mayotte, mais restent très élevées, même après l’obtention d’un diplôme. Ainsi, parmi les bacheliers de 16 à 24 ans, 19 % sont en situation d’illettrisme, 36 % parmi les élèves ou étudiants en cours de scolarité… Une donnée qui pose de nouveau la question du niveau d’exigence du bac à Mayotte.
Un module complémentaire de l’enquête a montré que parmi les personnes qui maîtrisent le shimaore à l’écrit, un tiers, éprouve des difficultés importantes vis-à-vis de l’écrit en français. Les résultats pourraient être améliorés si le bac était passé en shimaore…
A.L.
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