Nous n’apprendrons rien de nouveau sur les difficultés de Mayotte, mais c’est parfois par un rapport bien senti que se font les grandes avancées pour l’île. L’avis sur le droit à l’éducation dans les Outre-mer de la CNCDH est sévère pour l’Education Nationale. «L’obligation scolaire peine à être respectée », même si « estimer le nombre d’enfants non scolarisés relève de la gageure».
Elle constate que la scolarisation des enfants de moins de 3 ans est presque inexistante, celle des 3 à 5 ans défaillante, les efforts se concentrant surtout « sur les enfants âgés de 6 à 16 ans », soumis à l’obligation scolaire, même si « l’accès à l’école n’est pas non plus assuré à tous », notamment lorsqu’ils sont étrangers ou en situation de handicap.
Le problème principal et sur lequel l’Etat doit venir en urgence au secours de son Education Nationale ici, est « l’augmentation des effectifs scolarisables », « sous l’effet d’un fort taux de natalité et des dynamiques migratoires », qui entraîne « un déficit de structures ». Une problématique que les acteurs mahorais, professions médicales, syndicats de l’Education nationale, etc., dénoncent depuis des lustres sans être entendus.
Des hectares pour les écoles en Guyane
L’étude dévoile des problèmes très similaires en Guyane, et une situation de souffrance comparable des structures : En Guyane, qui compte plus de 79.000 élèves scolarisés (avec une progression de 50% des effectifs lycéens en dix ans), on estime que l’école devrait accueillir d’ici 2030 entre 110.000 et 130.000 élèves. Une étude de 2013 montrait que pour le même nombre de jeunes en âge d’être scolarisés, la Guyane disposait de 16 collèges et de 20 lycées de moins que la Martinique.
L’avis évoque pour Mayotte, les nombreuses écoles qui doivent, pour intégrer 94.000 élèves comptabilisés en 2016, « recourir à la rotation des élèves qui, à tour de rôle, ne vont en classe que le matin ou l’après-midi en cinq heures concentrées». Une classe du premier degré sur cinq est concernée. Et, reprenant l’alerte du sénateur Thani Mohamed Soilihi : « On estime qu’il faudrait ouvrir une salle de classe par jour pour accueillir dans de bonnes conditions la population scolaire actuelle et à venir ».
Si le nombre d’habitants est sensiblement le même en Guyane et à Mayotte, avec un problème migratoire similaire, la première a une superficie 230 fois plus grande, un différentiel favorable aux constructions scolaires, chez la première, alors qu’à Mayotte le foncier est en tension.
Pourcentage similaire de contractuels
La CNCDH pointe aussi dans ces deux territoires « l’absence d’un vivier local de professeurs titulaires » et « un déficit d’attractivité pour les personnels enseignants » de l’Hexagone, « qui peut s’expliquer par une multitude de facteurs (climat d’insécurité, etc.) »
En Guyane par exemple, dans les villages de l’intérieur ou du fleuve, les enseignants affectés sont confrontés à des conditions de vie difficiles: « logement souvent rudimentaire, voire insalubre, eau et électricité parfois rationnées, couverture téléphonique, numérique et télévisuelle limitée, difficultés de ravitaillement, éloignement et isolement, etc. »
Les académies doivent donc recourir massivement aux contractuels. Ces derniers représentaient en 2015, près de 36,6 % des effectifs à Mayotte et 33,4 % en Guyane (moyenne nationale 7,5 %).
Pour la CNCDH, « le recrutement local ainsi que la montée en compétences des contractuels constituent probablement la piste la plus susceptible de répondre aux besoins ».
Plus d’un milliard d’euros pour la Guyane
Autres difficultés: l’état de délabrement des établissements scolaires (humidité, vétusté, etc.), le manque d’équipements (bibliothèques, salles informatiques, photocopieuses…) et de fournitures et manuels scolaires, des transports scolaires inexistants ou déficients et souvent trop chers, un hébergement des élèves (en internat ou familles) souvent défaillant, une restauration scolaire quasi inexistante.
Enfin, le rapport pointe une faiblesse du niveau scolaire «préoccupante» en Guyane et à Mayotte (retard scolaire en 6e et en 3e, taux de décrocheurs et part de non-diplômés importants…).
La CNCDH déplore notamment le manque de prise en compte des spécificités locales en milieu scolaire (programmes scolaires «très européo-centrés», langues locales peu prises en compte). En Guyane, près d’une trentaine de langues sont parlées et seuls 40% de la population parlent le français. Quant à Mayotte, où les deux langues locales sont le shimaoré et le shibushi, seuls 60% des habitants maîtrisent l français.
Le côté positif de l’analyse de la CNCDH est qu’elle évite de financer un diagnostic pour tous les autres secteurs du territoire, dont le médical, tant les mêmes causes produisent les mêmes effets ! La croissance de la population est en avance sur toutes les anticipations, et le service public ne suit pas. Une différence récente entre nos deux territoires, c’est que la Guyane a obtenu depuis, plus d’un milliard d’euros ferme sur 3 milliards promis, pour rattraper ses retards…
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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